1 virus et 19 témoignages stimulants

Agnès FAYET

La période un peu singulière que nous avons traversée ces dernières semaines, avec le confinement obligatoire, le télétravail et le déconfinement progressif, nous a donné envie de poursuivre à distance les dialogues avec les apiculteurs. La contrainte rend créatif et les solutions techniques (Zoom ou Skype) permettent l’abolition des distances. C’est ainsi qu’est née la série de petits entretiens appelés « Comment ça se passe pour toi au temps du COVID-19 ? ».

Un inventaire à la Prévert permettrait de rendre compte des nombreuses facettes de l’apiculture rencontrées en dialoguant par écran interposé : 9 administrateurs d’associations, 1 api-agriculteur, 1 apiculteur artiste, 1 apiculteur en situation de handicap, 1 apiculteur maraîcher, 1 apiculteur philosophe, 4 apiculteurs professionnels, 6 bénévoles, 1 cirier, 9 conférenciers, 5 chargés de projet, 2 éducateurs à l’environnement, 2 ou 3 éleveurs, 2 gestionnaires de station de fécondation, 2 lobbyistes apicoles, 5 petits apiculteurs, 4 président(e)s de fédérations d’apiculteurs, 2 producteurs de gelée royale, 4 profs de pratique apicole ; 1 responsable de projets d’envergure internationale, 4 responsables de rucher école, 3 responsables de ruchers solidaires, 4 responsables de sections, 1 responsable de laboratoire d’analyse, 1 stagiaire, 16 belges, 2 français et 1 marocain. Tous ont un lien plus ou moins direct avec l’apiculture en Wallonie et à Bruxelles, y compris les apiculteurs français et marocain qui ont été invités par le CARI à participer qui à un événement, qui à un projet éditorial, qui à un stage au laboratoire. L’extrême diversité des acteurs apicoles est frappante et conforte dans l’idée qu’il est préférable d’évoquer les apicultures plutôt que l’apiculture. Et encore, n’a-t-on pas abordé les questions techniques et méthodologiques. Tout juste les centres d’intérêt qui poussent chacun à se tourner vers les abeilles, la manière de percevoir l’activité apicole, les abeilles que l’on élève et l’état d’esprit avec lequel on le fait. Bien souvent, on pratique l’apiculture tel que l’on est : dévoué, entreprenant, minutieux, travailleur, profondément humain, très joyeux, extrêmement curieux, toujours prêt à relever des défis, satisfait d’agir selon ses valeurs, animé par le besoin de transmettre, créatif, en lien avec la nature, prêt à se remettre en question…


De toute évidence, le confinement n’a pas été un handicap pour l’apiculture. En tant que producteurs de denrées alimentaires, les apiculteurs avaient l’autorisation de poursuivre leurs activités : suivi des ruchers, services de pollinisation, récupération d’essaims. Les déplacements étaient autorisés à condition de respecter les règles légales c’est-à-dire d’être enregistré à l’AFSCA. L’Agence nous confirme que plus de 700 apiculteurs se sont enregistrés pendant la période ! Les seules activités non autorisées étaient liées aux réunions de groupes (formation, accueils de groupes) et le travail était limité à deux personnes avec le respect des mesures barrières. Les transhumances extra-nationales étaient plus compliquées, soumises aux règles des pays de destination. Les seuls bémols que les témoignages nous ont révélé portaient sur l’impossibilité d’obtenir l’aide d’un stagiaire et sur les difficultés rencontrés par les formateurs apicoles. Si certaines écoles ont rapidement pris le parti de continuer à transmettre via Zoom et à faire des captures vidéos pour illustrer le travail au rucher, d’autres, moins habitués aux outils de téléconférence, ont préféré interrompre leur formation. Certains apiculteurs très impliqués dans la vie associative, ont également un peu souffert du confinement obligatoire.
La très belle saison a cependant aidé à garder le moral : les miellées se sont bousculées et la production a été au rendez-vous avec plusieurs extractions très souvent. Les ventes en ligne de produits de la ruche et les achats de proximité ont vu la demande exploser et les vertus du circuit court ont été découvertes par certains. C’est un constat positif et nous souhaitons que cette chaîne vertueuse se pérénise.
Du point de vue politique, les entreprises phyto-pharmaceutiques qui soutiennent un modèle agricole intensif ont été très actives dans leurs activités de lobbying pendant le confinement. L’asbl BeeLife aura du travail à rectifier le tir au niveau européen et à se faire l’avocate d’une politique agricole plus durable. Les enjeux environnementaux seront bien plus déterminants encore pour notre santé et celle de notre planète que l’épisode parfois difficile et douloureux du virus qui nous a fait vivre une situation inédite en 2020.
Les entretiens sont disponibles sur Butine.info où ils ont été publiés au fur et à mesure de leur réalisation. Merci à toutes celles et tous ceux qui ont répondu présent !