2020, la plus chaude et ensoleillée, mais sèche

Carine Massaux et Etienne Bruneau

Lorsque le climat joue aux extrêmes, l’apiculteur s’adapte tant bien que mal à ce que lui propose la nature.

En 2020, les miellées se sont suivies rapidement, surprenant parfois tant les colonies que les apiculteurs. Résultat, une année moyenne inférieure au niveau des récoltes malgré le soleil et la chaleur.

Selon l’IRM, l’année 2020 était l’année la plus chaude jamais enregistrée en Belgique. Une fois de plus, on pulvérise certains records enregistrés par l’IRM depuis l’année 1901 comme, au printemps, le très faible nombre de jours de précipitations et la durée exceptionnelle d’insolation (voir tableau 1).

Les températures maximales en 2020 étaient également très hautes, présentant par endroit jusqu’à plus de 3,5°C de plus que la moyenne des données enregistrées de 1961 à 2010 comme le
montre la carte en figure 1.


Le tout s’est traduit par une sécheresse déjà présente au printemps, plus particulièrement sur le plateau Hennuyer - Brabançon, et qui s’est généralisée au mois de juin à l’Entre-Sambre et Meuse et au sud de la Meuse. L’Ardenne et la Gaume ont été plus épargnées ainsi qu’une partie du Condroz. La carte en figure 2 se base sur la même période de référence.


Impact sur les balances

Mais comment cela s’est-il traduit au niveau des différents ruchers suivis sur balance. Prenons par exemple les données enregistrées en 2020 pour la balance de Jandrain (province du Brabant wallon) reprises en figure 3. Nous constatons que des températures maximales (courbe violette) de 20 à 25°C ont été atteintes très rapidement au début du mois d’avril et que les épisodes de pluie (bâtonnets bleus) ont été rares et peu intenses. Ces conditions climatiques particulièrement chaudes et sèches ont induit des conditions de stress hydrique chez les plantes, rendant le nectar moins abondant et plus difficile à récolter.

Les variations de poids enregistrées en 2020 par les balances en fonction de leur localisation sont présentées en figure 4. Comme les années précédentes, de grandes disparités ont été observées dans les prises de poids entre les différents ruchers. Cette différence est naturellement liée à un effet colonie mais également à un effet régional ainsi qu’à un effet climatique principalement lié à la sécheresse. Les enregistrements des balances nous montrent régulièrement des différences de températures maximales de 5°C entre l’ouest et l’est de notre pays. L’effet régional est néanmoins moins marqué que l’année dernière. On remarque cependant que les provinces du Hainaut et du Brabant sont globalement associées à des rentrées inférieures de miels, ce qui illustre l’importance de l’humidité du sol pour permettre des miellées abondantes. En période de sécheresse, les régions boisées ou riches en prairies avec des sols lourds et argileux, conservent davantage l’humidité.




Les résultats de l’ensemble de notre réseau de balances indiquent des récoltes proches de la moyenne pour l’année 2020.

Sur la figure 5, sont présentées les variations de poids basées sur les moyennes de l’ensemble des balances enregistrées par année, avec en rouge l’année 2020 qui nous intéresse plus particulièrement. Nous constatons que les miellées ont débuté plus tôt en 2020 par rapport aux autres années. Le printemps exceptionnel a créé des conditions spécifiques induisant une floraison précoce au niveau des plantes. Les conditions chaudes et sèches se sont poursuivies durant tout le printemps et le mois de juin, induisant une contraction de la période de floraison et l’absence du trou de de miellée, habituel dans nos régions. Cette période comprise entre la miellée de printemps et celle d’été durant laquelle peu de fleurs sont disponibles, ne se marque pas sur les graphiques des balances en 2020 ; une montée progressive et continue du poids est en effet enregistrée de la mi-mai à la mi-juin.


L’avancement des périodes de floraison et la sécheresse ont anticipé la fin des récoltes très tôt dans la saison, vers le 20 juin. On peut cependant observer de grosses différences entre les régions probablement liées à la façon dont elles ont été touchées par la sécheresse.

Les données de notre réseau de balance sont accessibles en ligne. Nous vous invitons à les consulter au jour le jour à l’adresse Balances CARI

Impact sur la récolte

En comparaison aux résultats du questionnaire « Miellées » que nous envoyons depuis des années à une bonne cinquantaine d’apiculteurs pour le suivi de leurs ruchers, les récoltes moyennes enregistrées depuis plus de 20 ans nous donnent une récolte de 11,3 kg de miel de printemps et de 10,9 kg de miel d’été (figure 6). Ces chiffres confirment donc les informations réalisées au niveau des balances.



Les conditions climatiques chaudes et sèches du printemps et du début de l’été se reflètent également au niveau de l’humidité des miels, dont seulement 8 % dépassent le seuil des 18 % (voir figure 7). Ces conditions particulières ont également influencé l’origine florale des miels récoltés. La floraison précoce de cette année a en effet favorisé la production et la récolte du nectar de saule (assez rare), retrouvé dans la grande majorité des miels de printemps, ainsi que celles des fruitiers rarement récoltés avec une telle dominance au détriment du colza. Les conditions chaudes et sèches du printemps et du début de l’été ont également favorisé la récolte du miellat au désavantage du nectar. Les analyses effectuées au laboratoire du Cari ont mis en évidence la présence de miellat dans une proportion très élevée des miels récoltés en 2020.

Impact sur les colonies

Le questionnaire de suivi des miellées nous donne également une série d’informations sur le devenir des colonies durant la saison. Pour la Wallonie et Bruxelles, les 792 colonies suivies nous permettent d’avoir une idée correcte des dépérissements durant l’hiver 2019- 2020 avec une moyenne de 12,9 %, chiffre similaire à celui de Sciensano qui annonce 13% de pertes sur 349 colonies et est un peu plus bas que celui de COLOSS qui arrive à 16,3 % de pertes sur 2295 colonies. Les conditions favorables du printemps ont permis d’observer une reconstitution importante du cheptel avec plus de 20 %, ce qui se traduit par une légère augmentation du nombre de colonies en juillet. En moyenne, les 51 ruchers qui nous ont transmis leurs données comptaient 12,7 colonies au printemps, 15,6 en été (y compris les 1,6 colonies exportées du rucher) et 21,3 à l’hivernage. On comptait en moyenne 11,4 ruches de production. La différence importante entre les ruches en été et à l’hivernage provient principalement du fait qu’en saison, les ruchettes sont comptées comme des ½ colonies, alors qu’à l’hivernage, toutes les unités sont reprises. La figure 8 nous donne l’évolution du nombre de ruches au cours de ces dix dernières années pour les 31 ruchers suivis sur cette période. On constate une stabilisation lors de ces trois dernières années avec même une légère augmentation, principalement liée à la réduction des pertes de colonies des deux dernières années (figure 9).



Si l’on peut résumer 2020, nous dirons que les conditions climatiques extrêmement favorables aux abeilles leur ont permis de produire une bonne quantité de miel de printemps mais que la sécheresse a freiné la miellée d’été. Ce climat a cependant permis aux apiculteurs de multiplier leur cheptel.

Reste une inconnue : de nombreux apiculteurs ont observé beaucoup moins de varroas que par le passé et cela depuis le début de la saison. Le nombre de colonies fortement infestées était également moindre que par le passé. Le nombre de données reçues ne nous permet cependant pas de généraliser ces observations.

Il nous reste à vous souhaiter une bonne saison 2021.