Agir pour la santé des pollinisateurs, c’est agir pour le bien-être humain !

Victor Herman

Dans un contexte de diminution des pollinisateurs en quantité et en diversité, il est pertinent de s’interroger sur notre dépendance envers ces derniers.

Par leur présence, leurs services, leurs produits dérivés et les mesures environnementales qui sont prises en leur faveur, les pollinisateurs jouent un rôle positif et non négligeable sur la santé humaine. Une récente étude menée par Garibaldi et al. (2021) démontre que la santé humaine est directement ou indirectement dépendante de la santé des pollinisateurs. Cette étude innove en justifiant les mesures environnementales prises en faveur des pollinisateurs par leurs impacts positifs sur la santé humaine. Cette approche a le mérite de toucher une plus grande tranche de la population qu’uniquement la niche des apiculteurs et des naturalistes se souciant de la santé des pollinisateurs.

L’approvisionnement en nutriments

La pollinisation joue un rôle clé dans l’approvisionnement alimentaire. Dans un premier temps, les trois quarts des types de cultures alimentaires mondiales les plus productives bénéficient au moins partiellement de la pollinisation animale et 35 % de la production agricole globale dépend complètement de la pollinisa- tion. Ces dernières cultures bien moins conséquentes en termes de volume de production agricole et d’apport en calo- ries sont d’une grande importance par leurs apports en micronutriments. Sans la pollinisation, il est estimé que l’offre en aliments riches en micronutriments telles que les fruits, les légumes et les noix baisserait à 22 % pour les fruits et les noix et à 16 % pour les légumes par rapport à la production actuelle. Ensuite, la pollinisation joue un rôle clé dans l’ap- port en vitamines et en micronutriments. Une forte variabilité de cet apport peut être observé en fonction des régions du globe. En moyenne, 7 % des folates, 20 % des vitamines C et 41 % des vitamines A du bol alimentaire sont fournis par des cultures dépendantes de la pollinisation.

Enfin, la pollinisation influe sur la qualité et sur les propriétés bénéfiques de cer- taines récoltes. Pour les amandes, on observerait en effet une augmentation des bienfaits cardiovasculaires lorsque les amandiers sont pollinisés.

Dans un contexte général de diminution des pollinisateurs, les populations fortement dépendantes de ces derniers sont jusqu’à trois fois plus susceptibles de souffrir de carences en vitamines et en nutriments. Les familles monoparen- tales à faible revenu y sont encore plus exposées. Les ménages les plus pauvres ne consommant pas de produit d’origine animale et dépendant donc d’avantage des productions agricoles nécessitant la pollinisation se retrouvent d’autant plus vulnérables. Dans ce contexte, certaines études se sont intéressées aux défi ciences en micronutriments et aux taux de morbidité humaine si tous les pollini- sateurs venaient à disparaitre.

L’approvisionnement en médicaments

La contribution des pollinisateurs dans le domaine médical peut être à la fois directe (via la production de miel, de pollen, de propolis, de cire, de gelée royale et de venin d’abeilles) et indirecte (via la pollinisation des plantes mellifères médicinales) (voir figure).

Les matrices apicoles en médecine
Le miel a prouvé son efficacité dans le traitement des maux bénins (la toux pour les enfants ou des plaies) et l’utilisation de produits issus des abeilles mélipones est fréquentes dans la médecine tradi- tionnelle. Parmi les multiples propriétés médicinales des produits de la ruche, les propriétés anti-bactériennes présentent un intérêt particulier pour la lutte contre des souches de bactéries résistantes aux antibiotiques.

Les plantes médicinales
Les produits médicaux issus de plantes médicinales dépendent des pollinisateurs à la fois pour permettre la reproduction de la plante mais également pour permettre la formation de certaines parties de cette plante. La pollinisation joue un rôle majeur dans la médecine car 80 % de la population mon- diale dépend de la phytothérapie et les 2 grandes familles de plantes médicinales (Lamiaciée et Fabaceae) sont considérées comme fortement entomophiles. De plus, la majorité des plantes médicinales (96 %) sont des plantes à fleur qui nécessitent pour la plupart (dans 87 % des cas) d’être pollinisées par des animaux.

Impacts de la diminution des pollinisateurs
La diminution des pollinisateurs réduit la quantité et la qualité des plantes médicinales dépendantes des pollinisateurs. Ce sont les populations à bas revenu qui en pâtissent le plus étant donné qu’elles ont moins accès aux traitements plus conventionnels.


Le maintien des espaces verts

Les espaces verts sont des espaces de détente, qui permettent de faire du sport et qui in fine favorisent la santé humaine, voire améliorent le système immunitaire. Le contact avec la nature dans ces espaces réduit également le stress émotionnel ou physique et encou- rage la sociabilisation. Or le maintien de ces espaces verts dépend à la fois des mesures mises en place pour les pollinisateurs et de la pollinisation (voir figure).
Les jardins, les parcs et les zones agricoles dans les milieux urbains et ruraux accueillent une grande diversité de plantes (dont certaines sont appréciées esthétiquement par les citoyens) qui dépendent des pollinisateurs pour leur reproduction. Outre la santé humaine, les espaces verts sont également bénéfiques pour la santé des pollinisateurs en leur procurant de la nourriture et le logis en milieu rural ou urbain.

La réduction des pollutions environnementales

De manière générale, les initiatives de conservation des pollinisateurs encouragent la présence de milieux non pollués. Les bonnes pratiques visant à favoriser un environnement sain pour les pollinisateurs nous garantissent également un environnement sain (voir figure) et améliorent la qualité de l’habitat.

En conclusion

Vous l’aurez compris, il existe un lien fort entre la santé humaine et la santé des pollinisateurs. Selon Garibaldi et. Al (2021), ce lien est tellement fort que la diversité des pollinisateurs pourrait servir d’indicateur de la santé humaine. L’ensemble de l’entomofaune dans toute sa diversité et les mesures mises en place en sa faveur influent positivement sur la santé humaine. Cette relation forte souligne une fois de plus l’importance de la préservation de la biodiversité et plus particulièrement des pollinisateurs.

Référence :
Garibaldi, Lucas A., et al. « Exploring connections between pollinator health and human health. » Philosophical Transactions of the Royal Society B 377.1853 (2022) : 20210158.