Déclaration d‘APIMONDIA contre la fraude des miels

Apimondia

Face au problème mondial de l’adultération des miels, Apimondia et plus particulièrement son
groupe de travail sur l’adultération des produits de la ruche a rédigé une déclaration qui recadre
les éléments essentiels de ce problème épineux. Elle reprend les éléments essentiels
qui caractérisent les miels dans la définition et un plan de travail pour lutter contre les fraudes.
En voici les principaux éléments.

Depuis la nuit des temps, le miel constitue un aliment recherché par les hommes. Ce produit élaboré par les abeilles au départ de nectar et de miellat présente de nombreuses propriétés que les consommateurs apprécient depuis des générations.

Ces caractéristiques intrinsèques lui viennent de cette combinaison par faite entre son origine végétale qui va lui conférer sa couleur, ses arômes, ses micro-éléments minéraux et son origine animale liée au travail des abeilles qui va apporter de nombreux éléments bio logiquement actifs. Dès la récolte et le stockage dans leur jabot, un apport d’enzymes a lieu. Ce dernier sera complété lors du transfert entre chaque abeille dans la ruche et lors des relocalisations du nectar vers d’autres cellules qui une fois remplies seront operculées. Un double mécanisme de séchage actif et passif est observé dans la ruche (Eyer et al, 2016).On va ainsi observer un processus de séchage du nectar grâce à l’air sec de la ruche qui peut se charger de l’humidité excessive du futur miel. Il est actif lorsque les ouvrières régurgitent de fines gouttelettes de nectar et les étirent en fine couche par les mouvements de leurs pièces buccales (élongation répétée de la langue). Il est passif lors de la simple évaporation du nectar stocké dans les cellules (Park, 1928).

La définition du Codex Alimentarius (1981 ; CA) reprend ces différents éléments important : le miel est la substance naturelle sucrée produite par les abeilles Apis mellifera à partir du nectar de plantes ou à partir de sécrétions pro venant de parties vivantes de plantes ou à partir d‘excrétions d‘insectes butineurs laissées sur les parties vivantes de plantes, que les abeilles butinent, transforment en les combinant avec des substances spécifiques qu‘elles sécrètent elles-mêmes, déposent, dés hydratent, emmagasinent et laissent affiner et mûrir dans les rayons de la ruche. Apimondia adhère naturellement pleinement à cette définition ainsi qu’aux facteurs essentiels de composition et de qualité (section 3) qui y sont définis. Ces derniers précisent « ni le pollen ni les constituants propres au miel ne pourront être éliminés sauf si cette procédure est inévitable lors de l‘élimination des matières inorganiques ou organiques étrangères ». A côté des pollens, des sucres, des protéines, des acides organiques et autres micro-éléments, on peut considérer que l’eau fait partie de ces constituants propres. Le texte du Codex Alimentarius exclut également tout ajout ou traitement visant à modifier la composition essentielle du miel ou à en altérer la qualité. De ce fait, l’utilisation de résines échangeuses d’ions visant à éliminer les résidus et à éclaircir la couleur des miels trop sombres ou encore de cuves sous vide d’air ou tout autre dispositif visant à une déshydratation active de miels non matures n’est pas autorisée. Cependant, dans les cas où le miel mature présente une humidité dépassant les normes légales ou ne permettant pas une bonne conservation du miel, Apimondia accepte la déshumidification passive des hausses dans un local sec mais pas le séchage de miel extrait.

Afin de maintenir l‘intégrité et la qualité du miel pour la plus grande satisfaction des consommateurs, la fédération inter nationale des apiculteurs soutient les méthodes de production qui permettent aux abeilles de réaliser pleinement leur travail. Par contre, elle rejette l’utilisation de toutes méthodes et/ou technologies visant à accélérer artificiellement le processus naturel d’élaboration du miel, ces interventions humaines pouvant conduire à une violation de la norme du miel. Le tableau ci-dessus en donne quelques exemples.

Modes de production du miel qui ne respectent pas la norme du CA.

types de fraudes miel
types de fraudes miel

La fraude des miels

Le Comité Exécutif d‘APIMONDIA a récemment défini la fraude des miel comme l‘un des deux défis majeurs pour la viabilité de l‘apiculture mondiale. Selon la U.S. Pharmacopeia‘s Food Fraud Database, le miel est la troisième cible alimentaire « favorite » pour la falsification, derrière le lait et l‘huile d‘olive (United States Pharmacopeia, 2018). Pour avoir un cas de fraude, la Com mission européenne nous indique que quatre éléments doivent être réunis. Il faut une violation de la loi (dans ce cas la définition du Codex Alimentarius sur le miel), intentionnelle, réalisée à des fins économiques et qu’elle génère une déception du consommateur.

Différents types de fraudes peuvent être observés sur le miel  :

a.Dilution de miels avec différents sirops produits, par exemple à partir de maïs, de sucre de canne, de betterave, de riz, de blé, etc.
b.Récolte précoce d’un miel non maturé par les abeilles et activement déshydraté grâce à l‘utilisation d‘équipements techniques.
c.Utilisation de résines échangeuses d‘ions pour éliminer les résidus et éclaircir la couleur du miel.
d.Masquer et/ou mal étiqueter l‘information géographique et/ou botanique.
e.Alimentation artificielle des abeilles en période de miellée et de récolte.


Dans tous ces cas, le produit final ne devrait pas porter l’appellation miel. Face à cela, le groupe de travail sur l’adultération des produits de la ruche d’Apimondia a analysé ce qui pouvait être mis en œuvre afin d’éviter ou du moins de limiter ces problèmes. Seule une large sensibilisation de tous les intervenants de la filière du miel (apiculteurs, conditionneurs, détaillants et consommateurs) et une communication continue et fluide avec les autorités en charge de ces types de contrôles (afin de les informer de l’évolution des méthodes reconnues de détection), permettra d’aboutir à des résultats satisfaisants.

Une stratégie d’approche multidimensionnelle est également indispensable pour combattre les fraudes.

Apimondia recommande ainsi d’avoir une totale traçabilité du miel, c’est-à-dire allant de l’apiculteur avec des identifications relatives à l’origine géographique et botanique des miels produits jusqu’au consommateur.

Les techniques utilisées pour la détection des fraudes sont en constante évolution et il est dès lors pratiquement impossible d‘avoir une méthode unique et durable capable de détecter tous les types de fraudes du miel. De plus, comme la fraude implique des intentions criminelles, il faut s‘attendre à une adaptation rapide des pratiques frauduleuses. De ce fait, le choix de la ou des meilleures méthodes d‘analyse à utiliser devrait résulter d‘une évaluation détaillée des risques liés à l‘origine du produit, à l‘historique des cas de falsification des miels provenant de cette origine, aux statistiques des mouvements commerciaux et aux modes de production et de falsification les plus couramment utilisés dans cette région. De plus, la pertinence de la ou des méthodes choisies devra être contrôlée périodiquement en fonction des nouvelles connaissances scientifiques.

Aujourd’hui, on est loin de cet optimum car la méthode officielle reconnue par de nombreuses autorités nationales, la méthode AOAC 998.12 « Internal Standard Stable Carbon Isotope Ratio » ne peut détecter de manière fiable et relativement sensible que les additions de sirops dérivés de plantes C4 (type maïs…), mais ne parvient pas à détecter les sirops issus de plantes C3.

Apimondia recommande fortement de choisir la ou les méthodes adaptées à chaque situation. Dans la plupart des cas, une stratégie spécifique de détection des fraudes doit comprendre une méthode de détection puissante comme la résonance magnétique nucléaire (RMN). La RMN est actuellement la meil
leure méthode disponible pour détecter les différents types de fraude dans les miels. Dans le cas où des non-confor mités sont détectées par RMN, d‘autres tests ciblés peuvent être utiles pour mieux clarifier l‘origine des anomalies observées au niveau du spectre d’ana lyse. Le spectre pollinique et l’examen organoleptiques associés à l’examen d’autres contituants sont considérées comme de bons paramètres pour déter miner l‘authenticité géographique et botanique d’un miel.

Apimondia recommande aux opérateurs qui produisent, importent, exportent ou transforment du miel (à partir de 20 tonnes/an) de mettre en place un suivi régulier et documenté sur la vulnérabilité de l’entreprise liée à la fraude alimentaire.

Le problème lié à l’adultération des miels est très complexe et va demander des moyens très importants, impliquant tous les acteurs de la filière du miel.

Le texte complet est disponible sur le site d’Apimondia (en anglais).