EDITO : Demain est un autre jour et sera différent

Etienne BRUNEAU

Ces cartes montrent la progression des t° à la surface du globe. Le code couleur se base sur des t° depuis 1884. Le bleu foncé indique les zones plus froides que la moyenne et le rouge foncé, plus chaudes.
Source : NASA/GISS Credit : NASA Scientific Visualization Studio

S’il est vrai qu’il faut vivre le moment présent, il faut aussi se préoccuper du lendemain. Cela fait des années que l’on parle du réchauffement climatique mais aujourd’hui, on commence à mieux appréhender ce qui risque de nous arriver car on voit les premières modifications importantes qui y sont très probablement liées. C’est ainsi que depuis cinq ans nos conditions climatiques frisent régulièrement les extrêmes dans tous les sens : sécheresse, périodes humides ininterrompues, ou température anormalement basses ou hautes pour la saison, vents violents et même tempêtes… Les effets sont là et vous avez déjà pu les constater dans votre rucher, miellée exceptionnelle ou tout au contraire absence de miellée, famine dans les ruches, présence de couvain en-dehors de la saison apicole, développement anormal de varroas, miellées particulières avec des miels jamais récoltés auparavant. Faites simplement le bilan de ces trois dernières années au niveau de votre rucher et vous constaterez qu’en très peu de temps beaucoup de phénomènes anormaux se sont présentés.
Ce n’est pas un hasard si la Foire de Libramont avait pris pour thème cette année le changement climatique. A cette occasion, j’ai dû préparer une conférence sur l’impact du climat sur notre conduite de ruches. Bien qu’on nous en parle très régulièrement, le fait de remettre les principales informations ensemble ne peut que nous faire frémir. Ce n’est pas tant l’augmentation de la température moyenne qui fait peur, c’est surtout la fréquence d’apparition des phénomènes extrêmes qui vont tout perturber pour ne pas dire tout détruire. Les grands végétaux seront les premiers touchés car ils ne peuvent pas se déplacer comme les animaux. L’Europe sera particulièrement touchée dans ces chamboulements, nos paysages ne seront plus les mêmes dans un futur plus proche que ce qu’on peut imaginer. Si un tiers des cultures devront être délocalisées, qu’en sera-t-il des arbres tellement importants pour nos abeilles ? En août, un apiculteur du nord de l’Italie disait avoir l’impression d’être en Afrique. Dans le futur, ce sera leur climat de tous les jours. Si les années noires se suivent, ne faut-il pas délocaliser pour retrouver des conditions plus clémentes. Notre pays va peut-être devenir une zone d’apiculture professionnelle vu qu’on va se retrouver dans des situations proches de celles du midi de la France. Si certains animaux sont déjà remontés de plusieurs centaines de kilomètres, ce n’est pas un hasard. L’exposé de Pierre Rasmon lors de la journée de Namur, était à ce propos très évocateur et interpellant. Nos abeilles sont capables de s’adapter vu qu’elles sont originaires de régions tropicales mais ce sont les variations fréquentes et d’intensité vers le haut ou vers le bas qui risquent de les perturber davantage. Agnès Fayet en dresse un bilan dans l’article « Sale temps pour les abeilles » de ce numéro.
Le forum des apiculteurs qui s’est déroulé fin juin lors de la Bee Week portait aussi sur l’impact des changements climatiques sur la future politique agricole commune. D’un message habituel où les apiculteurs et les agriculteurs étaient en opposition, on arrivait à des conseils et recommandations sur l’avenir afin de permettre une meilleure harmonie entre nos abeilles et leurs futures cultures mellifères. L’écoute et le respect des intérêts mutuels de chacun devraient permettre de trouver des solutions constructives.
Il est clair qu’aujourd’hui la priorité devrait être l’adaptation et l’ouverture d’esprit et l’aide aux apiculteurs pour faire face aux nouveaux défis auxquels ils vont être confrontés. Cela devient une question de survie pour nous tous.