EDITO : Rêver et réaliser les changements

Agnès FAYET

Le réchauffement climatique pose la question de la relation de l’apiculture avec le feu et l’eau.

L’an dernier, chacun a été ému par les victimes des inondations. Cette année, ce sont les incendies qui ont touché les cœurs. Près de 700.000 hectares de forêts sont partis en fumée en Europe depuis le début de l’année 2022 (Source : Système européen d’information sur les feux de forêt - EFFIS). L’Espagne a été durement touchée avec plus de 283.000 hectares ravagés par les flammes, tout comme la Roumanie (150.700 hectares), le Portugal (86.631 hectares), la France (62.102 hectares) et l’Italie (42.835 hectares).

Les chiffres ne donnent qu’une vision intellectuelle de la situation. Les images et les témoignages qui ont circulé dans les médias et sur internet sont plus éloquents encore et on ne peut qu’avoir le cœur brisé par les victimes humaines et animales des incendies. Si certains peuvent fuir en sentant le feu se propager, combien en sont incapables ? Les jeunes oiseaux encore au nid, les reptiles, les hérissons, les plus vulnérables… Il y a des images qui restent dans la mémoire, comme ce chevreuil mort asphyxié, terrassé sur une plage des Landes. Nous pensons aussi aux colonies d’abeilles qui n’ont pas pu être sauvées par leurs apiculteurs. Nous pensons à ces apiculteurs qui ont partagé leur émotion face aux ruches calcinées dont il ne reste que les toits de tôle. Les victimes directes ont perdu la vie. Les victimes indirectes ont perdu une part d’elles-mêmes. Des dommages économiques sont aussi à déplorer bien sûr.

L’eau et le feu sont des éléments qui nous prennent de court, qui sont imprévisibles, qui nous laissent sans voix. L’été 2021 a été extrêmement humide en Belgique. L’été 2022 a été d’une rare sécheresse avec des températures très élevées sur une longue période. Comme un symbole, le sommet d’un terril du Cazier s’est embrasé à la mi-août, vite maîtrisé. Aujourd’hui, irrégularité et brutalité semblent signer les phénomènes climatiques. On rêve d’une pluie fine pour satisfaire le sol et la végétation. Et c’est un orage violent qui déverse ses torrents que la terre trop sèche ne peut pas avaler. On rêve d’échapper aux étés à feu et à sang. On rêve d’un retour à un doux ordre des choses. On rêve d’un climat aussi tempéré qu’un prélude de Bach. Un été comme une saison chaude… mais pas brûlante.

Bien sûr, en dehors des zones ravagées par les flammes, les apiculteurs ont pu venir en aide à leurs colonies par des actions qui relèvent du bon sens et qui répondent aux besoins des abeilles, ce que nous rappelons dans ce numéro. La terre est encore chaude et déjà l’hiver se prépare dans les ruchers, à l’image du superorganisme qui est biologiquement programmé pour fabriquer ses abeilles d’hiver dès l’été. Il faut penser au nourrissement et à la préparation des colonies. Isabelle Dequenne, médecin et apicultrice, nous rappelle toute l’importance de la qualité de la nourriture que nous proposons aux colonies.

On vous parlera aussi d’élevage et d’environnement dans ce numéro, ancrage dans la technique apicole et regard vers les solutions à apporter pour améliorer globalement les conditions de nos élevages et des productions agricoles sans perdre de vue l’essentiel : rendre le monde plus vivable pour toutes les espèces et tous les habitants de cette planète, notre écosystème partagé. Cela commence par des actions de proximité : des haies et des arbres à planter et à protéger (pensons au programme « Yes We Plant » initié par la Ministre wallonne de la Nature, Céline Tellier), la valorisation de l’économie circulaire, le choix d’une consommation alimentaire locale, l’accompagnement des agriculteurs vers d’autres modes de production et de meilleures solutions techniques et agronomiques mais aussi du bon sens au moment d’installer un rucher, une réflexion sur les actions apicoles et le choix de relations harmonieuses avec les autres, même si leurs réalités semblent parfois loin des nôtres.

La saison apicole se termine. Elle a été plutôt intéressante du point de vue de la production de miel à quelques exceptions près. Bien meilleure, en tout cas, que celle de l’année dernière. La saison des mises au point, des remises à jour et des formations va bientôt commencer. L’équipe du CARI vous prépare un programme nourrissant. A bientôt, donc, dans le cadre des échanges et des rencontres de l’automne qu’elles soient en Belgique, derrière l’écran ou à Quimper à l’occasion du Congrès Beecome.

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