EDITO : d’Etienne Bruneau pour le numéro...

Voici bientôt un an que le COVID s’est installé dans notre quotidien et nos certitudes de revenir rapidement à une situation normale se sont dissipées.

Pour nos abeilles naturellement rien ne change et bon nombre de colonies sont déjà là prêtes à se lancer dans une nouvelle saison. Pourtant, elles non plus ne savent pas à quoi s’attendre côté climat et floraison. Elles ont jusqu’à ce jour montré qu’elles étaient capables de surmonter bien des épreuves et leur dynamique de survie nous laisse souvent pantois. Nous devons cependant être attentif pour leur permettre de conserver cette capacité d’adaptation.

Vous l’aurez compris, pour ce numéro 200 je ne veux pas faire de retour en arrière mais je préfère vous parler de l’avenir qui nous attend et que nous devons construire ensemble. Cet éditorial illustre en quelque sorte l’approche développée par le CARI depuis sa création.

Lors de plusieurs conférences du Focus Climat et des rencontres du Club de réflexion portant sur une apiculture plus durable, les questions liées à l’adaptation, à la résilience, à l’immunité collective des abeilles sont revenues sys- tématiquement. C’est en quelque sorte, une prise de conscience de la complexité et de la fragilité de nos abeilles. Nous les avons probablement étudiées, disséquées… Nous avons analysé leur ADN… en oubliant souvent que leur système ultra complexe est en interrelation constante avec son environnement et que leurs mécanismes de sélection naturelle font intervenir beaucoup plus de paramètres que ce qu’on peut appréhender aujourd’hui.

Histoire de sélection

Pourtant, pendant des années l’homme a cru qu’il pouvait à sa guise sélectionner ce qui lui convenait sans se soucier réel lement de l’avenir et du maintien de la biodiversité. Si certains groupes de scientifiques prennent conscience aujourd’hui de l’importance de cette biodiversité et de la sélection naturelle, des apiculteurs aussi s’interrogent et apportent de nouvelles pistes de réflexion. Comme le dit Sébastien Bonjour, apiculteur professionnel de la Drôme, on sélectionne sa pratique apicole. Si vous changez des reines tous les ans, vous réduisez d’autant leur durée de vie, si vous les alimentez artificiellement, vous permettez aux colonies qui ne pourraient survivre de se développer, si vous luttez systématiquement contre l’essaimage, vous ne pouvez pas sélectionner les colonies peu essaimeuses… Philippe Aimé, apiculteur professionnel de Charente-Maritime, en était arrivé à avoir des colonies qui avaient perdu leur dynamisme et qui ne développaient plus que de petites popu- lations. Depuis, il s’est tourné vers une apiculture nettement moins dirigiste qui laisse aux abeilles le choix de leur des- cendance et il retrouve après quelques années ce dynamisme dont elles ont tant besoin. La biodiversité et une sélection très peu intrusive ressortent ainsi comme des éléments essentiels au développe- ment d’abeilles plus rustiques.

Pour Sébastien Bonjour, il est urgent pour nos généticiens de définir le pourcentage de cheptel non contrôlé qu’on doit conserver pour garantir d’avoir toujours un pool de gènes suffisants afin de maintenir la diversité existante. La réponse va probablement dépendre des méthodes d’élevage, de sélection et de multiplication utilisées qui auront un effet plus ou moins réducteur sur la bio-diversité présente. Certains apiculteurs ont déjà été trop loin dans une région comme la sienne. Sa méthode de sélecttion massale se base sur un suivi de plus de 1000 colonies parmi lesquelles il utilisera pour la multiplication celles produisant de 10 à 20 % en plus que la moyenne sur deux ans, sans lutter contre l’essaimage et avec un nourrissement très réduit. Les colonies sélectionnées sont multipliées par division et il laisse faire un élevage naturel. De cette façon, il est arrivé à une rusticité et une résilience très forte de son cheptel. Il ne fait pas de récoltes mirobolantes les bonnes années mais les mauvaises, il est un des meilleurs. Il préfère jouer sur le nombre que sur l’élite. Face au changement climatique, cette pratique permet d’intégrer du moins en partie certains extrêmes climatiques comme les sécheresses de ces dernières années.

Et d’observations des colonies

Mais à côté de la sélection, on peut également agir sur l’environnement direct des colonies, c’est-à-dire sur les ruches, les matériaux qui les composent, leurs configurations… Là aussi, il y a beaucoup à faire car jusqu’il y a peu, les scientifiques avaient complètement délaissé ce qui leur semblait trop technique. Pourtant, le bon développement des colonies et leur immunité sont directement liés à la gestion que les abeilles peuvent avoir de l’ambiance qui règne au sein de la ruche. Ainsi par exemple selon Sébastien, si les butineuses doivent venir en aide pour maintenir la température du couvain, l’essaimage n’est pas loin. Tout est vraiment lié…
C’est donc à nous avec l’aide des scientifiques d’observer et d’essayer de comprendre pour pouvoir apporter les solutions qui aident réellement les abeilles. N’oublions pas que ce sont trois qualités de base pour un bon apiculteur.

Très bonne saison apicole