FICHE PEDAGOGIQUE : Des outils pour protéger son rucher contre le frelon asiatique

Agnès FAYET

La présence de frelons asiatiques dans les ruchers exerce une pression sur les colonies, provoque un stress qui peut aller jusqu’à la paralysie de la colonie qui stoppe parfois toute activité de butinage. Plus de butinage, plus de nourriture, plus de développement, affaiblissement et bien souvent pillage des colonies. Il est donc du devoir de l’apiculteur de protéger ses colonies. Indépendamment de la question de la destruction des nids de frelons asiatiques, qui ne relève qu’indirectement ou marginalement de la responsabilité des apiculteurs, que faire pour protéger son rucher ? Quelles méthodes utiliser ? Quelle est leur efficacité ? Quand mettre en place les outils disponibles ?

Réduire la pression des frelons asiatiques au rucher ne signifie pas supprimer sa présence lorsqu’il y a un nid dans les environs. Un certain nombre de dispositifs doivent être mis en place. Certains ont été testés par les scientifiques. D’autres sont testés par des groupes d’apiculteurs sur le terrain.

La muselière

Elle ne réduit pas la prédation du frelon asiatique mais réduit considérablement le stress généré par la présence de frelons asiatiques autour de l’entrée de la ruche. Des études ont été faites sur la reproduction de la colonie et sur les entrées de nectar et de pollen dans la ruche sans qu’aucune conséquence négative ne soit relevée. Certaines muselières sont équipées de grillages métalliques avec des trous entre 0,60 (les frelons asiatiques ne peuvent pas entrer) et 0,74 cm (les frelons asiatiques peuvent entrer avec difficulté). Il existe des variantes à la muselière à grillage. Citons parmi d’autres la muselière Norma (Norbert Mathieu) ou muselière à tubes qui permet aux butineuses un accès rapide (entrée et sortie) à la ruche et leur permet d’échapper plus facilement à la prédation. La muselière est opaque (le frelon ne voit pas les abeilles sur la planche de vol). Un tube incliné à 90° permet le retour rapide des abeilles à grande vitesse. Les tubes inclinés à 45° permettent les sorties à grande vitesse. Une muselière Norma Plus a été récemment mise au point avec une entrée par un tube transparent situé sous le dispositif. Les mouvements d’abeilles seraient ainsi moins remarqués par les frelons qui ne chercheraient donc plus à prélever les abeilles de la colonie.

Muselière à tubes
Muselière à tubes

En résumé, il est important d’éloigner les frelons des ruches (bien penser aussi à l’espace sous la ruche) sans que les abeilles ne soient ralenties dans leurs mouvements pour conserver toutes leurs chances. La muselière n’a aucun impact négatif sur l’environnement, évite l’entrée des frelons à l’intérieur de la ruche mais déplace le problème de la prédation dans un périmètre un peu plus éloigné. Il est donc nécessaire de l’associer à un autre système de protection, piège et/ou harpe électrique par exemple.

Le piège

Le piégeage des frelons asiatiques ne se fait pas n’importe comment avec n’importe quoi. Il faut s’assurer qu’il ait un impact réduit sur l’environnement. Seuls les pièges de type nasse (avec un appât protégé) sont recommandables (Belgan Trap, Red Trap ou système équipé du dispositif Jabeprode). Les autres types de piège comme les pièges à noyade sont vivement déconseillés. Ils piègent tous les insectes, sans distinction. S’il existe des pièges plus sélectifs que d’autres, aucun ne l’est totalement. On ne piégera donc pas sans raison.

Le piégeage des frelons asiatiques a des objectifs différents selon le moment de l’année. En début de saison, piéger sert à capturer les futures fondatrices. À la sortie de l’hiver, elles vont rechercher dans un premier temps des aliments sucrés pour reconstituer leur énergie. Les besoins en protéines n’arrivent que dans un second temps, avec le développement des larves. Le piégeage de printemps permet de réduire les populations de frelons asiatiques dans l’environnement s’il est organisé à l’échelle d’un territoire (maillage spatial) et s’il est reproduit sur plusieurs années. C’est donc un travail collectif et au long court. Il ne faut pas espérer un résultat tangible rapide en agissant tout seul. En France, il existe un Plan national de piégeage de printemps. Les groupements d’apiculteurs collaborent à l’échelle des communes ou des départements pour organiser le piégeage dans les zones où une forte prédation a été remarquée l’année précédente. Ce piégeage est encadré par un protocole et réglementé. Il commence début février et se termine fin mars ou mai selon les régions. Le quadrillage pour la pose des pièges n’est pas laissé au hasard. Les pièges doivent être entretenus tous les 8 ou 10 jours. Le tout fait l’objet d’un monitoring. Les apiculteurs impliqués dans ce piégeage s’engagent véritablement.

Le piégeage de protection du rucher est réalisé lorsque la pression augmente sur les colonies c’est-à-dire en deuxième partie d’été et en automne, au moment où les colonies de frelons asiatiques ont un besoin en protéine qui augmente considérablement pour nourrir leurs larves. L’objectif n’est plus de prélever des fondatrices mais de piéger un maximum d’ouvrières pour réduire les attaques sur les ruchers. De nouveau, ce sont les pièges de type nasse qui seront utilisés. L’INRAE a testé l’efficacité des appâts protéiques à base de chaire de poisson fraîche, mixée et diluée à 25 %. Les appâts sucrés sont destinés aux frelons adultes qui ont besoin d’énergie pour continuer à chasser. Dans une moindre mesure, les larves ont également besoin d’une alimentation sucrée. Quentin Rome du Museum d’Histoire Naturelle recommande l’utilisation d’odeurs de la ruche pour un appât plus sélectif appelé « jus de cirier ». Il est confectionné à base de cire de cadre fondue dans de l’eau chaude à laquelle on ajoute du miel et que l’on laisse fermenter.

Il est conseillé de placer les pièges sur le côté ou derrière les ruches attaquées par les frelons, leurs ouvertures à hauteur des planches d’envol. Un piège pour un petit rucher est suffisant mais il faut évaluer la pression sur les colonies et augmenter le nombre de pièges en cas de forte prédation. À noter que, contrairement aux muselières, le piégeage n’est pas une mesure préventive. Inutile d’attirer les frelons si vous n’en voyez pas sur votre rucher. Les pièges sont entretenus et visités régulièrement pour renouveler les appâts, libérer éventuellement les insectes non cibles, et pour assurer un suivi des prises.

Harpe électrique

La harpe électrique a pour but d’électrocuter les frelons qui passent à travers un treillis de fils alimentés par un générateur de courant. L’espacement des fils est tel qu’une abeille peut voler à travers sans les toucher, tandis qu’un frelon touche inévitablement les deux, s’électrocute et tombe dans un bassin d’eau placé en dessous. La harpe électrique sera placée en tenant compte des habitudes de vol des frelons asiatiques qui circulent entre les colonies et qui s’envolent très souvent sur les côtés latéraux du rucher avec leur proie. Il faudrait donc au minimum une harpe de chaque côté du rucher, placée perpendiculairement à l’alignée des ruches.

Placement d'une harpe électrique
Placement d’une harpe électrique

On l’aura compris, protéger son rucher c’est utiliser plusieurs systèmes et bien les utiliser pour s’assurer de leur efficacité. Naturellement, certains facteurs peuvent jouer comme la position des dispositifs, le protocole utilisé, le soin avec lequel on relève les pièges et les appâts utilisés.

Références :

  • L’ITSAP a publié plusieurs fiches techniques (voir : https://itsap.asso.fr)
  • https://www.m-elevage.fr/wp-content/uploads/2022/02/Dossier-complet-frelon-asiatique.pdf
  • Barbet-Massin, M., Rome, Q., Muller, F., Perrard, A., Villemant, C., & Jiguet, F. (2013). Climate change increases the risk of invasion by the Yellow-legged hornet. Biological Conservation, 157, 4-10.
  • Beggs, J. R., Brockerhoff, E. G., Corley, J. C., Kenis, M., Masciocchi, M., Muller, F., ... & Villemant, C. (2011). Ecological effects and management of invasive alien Vespidae. BioControl, 56(4), 505-526.
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