FICHE : L’abeille mellifère et la protection du nid

Agnès Fayet

Fiche pédagogique sur le premier cercle de protection qu’est le nid.

La protection du nid est le premier cercle de protection de la colonie d’abeilles. En cela, le choix de l’emplacement et la configuration de la cavité (ou de la ruche) sont des éléments déterminants. Certains comportements sociaux des abeilles mellifères jouent par ailleurs un rôle clé en ce qui concerne l’entretien du nid et sa viabilité.


Le choix de l’emplacement et de la cavité

Si certaines abeilles mellifères comme Apis dorsata ou Apis florea construisent des nids ouverts en utilisant des supports tels que des branches d’arbre, Apis mellifera colonise des cavités pour construire son nid. Les ruches peuvent ainsi être considérées comme des cavités fabriquées pour se substituer aux cavités naturelles dans le but de faciliter l’accès à la colonie.
Quelles constatations ont été faites sur base des observations des chercheurs ayant étudié la configuration des nids dans la nature, en particulier Thomas D. Seeley ? Les abeilles ne font pas de choix spécifiques concernant les essences d’arbres colonisés.

Les cavités sont généralement allongées et cylindriques, épousant la forme du tronc de l’arbre. Les cavités appréciées par Apis mellifera en milieu naturel sont généralement situées en hauteur, à plusieurs mètres du sol. Elles apprécient un volume moyen de 40 litres. Le volume de la cavité naturelle permet de contenir assez de provisions pour l’hiver. Les rayons sont construits pour optimiser l’espace habitable.
Dans ces rayons, les stocks de nourriture sont en haut et le nid à couvain en bas.

L’entrée des nids est souvent unique et se limite à un passage réduit plus ou moins circulaire de 10 à 30 cm 2 . L’orientation de ce passage est généralement au sud et se situe en moyenne à 5 mètres du sol. Ces caractéristiques permettent une protection naturelle contre les prédateurs, renforçant l’efficacité de la protection du nid par les gardiennes. L’entrée orientée au sud a son avantage en hiver au moment des vols de propreté. Par ailleurs, la forme, l’hygrométrie de la cavité et les éventuels courant d’air ne sont pas des critères impliqués dans le choix puisque les abeilles sont capables de les rectifier.

Au moment de l’essaimage, les éclaireuses prennent en considération les paramètres importants (volume, taille de l’entrée, hauteur, exposition) qui vont servir à la prise de décision pour le futur site d’installation de la colonie.

Les essaims réoccupent fréquemment les cavités qui ont fait l’objet d’une première occupation, qu’elle ait été prélevée ou soit morte. Cela peut donner à la colonie qui s’installe une longueur d’avance dans le processus énergétiquement coûteux de la construction d’un nouveau nid. Cela augmente aussi le risque de transmission de maladies bactériennes du couvain, en particulier la loque américaine. Les pratiques apicoles ancestrales dans des cavités arboricoles prévoient un nettoyage des anciens rayons avant qu’un nouvel essaim ne soit installé. On peut s’accorder pour dire que les abeilles localisent plus facilement des cavités (ou des ruches appâts) qui ont une odeur de cire et de propolis. L’apiculteur doit cependant se montrer irréprochable quant à la prophylaxie.

L’architecture du nid

A l’intérieur de la cavité ou de la ruche, les abeilles bâtissent des rayons qui sont la structure de la colonie. L’importance de cette structure ne fait aucun doute : elle permet le développement du superorganisme puisqu’elle est prévue pour accueillir les nouvelles vies, protéger les ouvrières et la reine et stocker l’énergie-nourriture nécessaire au développement et à la survie.

Sans cette architecture de cire, pas de colonie. Les rayons permettent aussi la communication à l’intérieur de la colonie, ce qui est fondamental au développement de l’essaim, au maintien de son équilibre social et à la quête de ressources dans l’environnement extérieur.

Ce milieu organique est régulé par les abeilles de manière à maintenir un équilibre idéal pour la colonie. On appelle ceci l’homéostasie. A la différence d’autres insectes sociaux dont le nid est créé à partir de l’environnement, les glandes cirières des abeilles mellifères produisent elles-même le matériau de construction du nid. La construction des rayons de cire se fait à la verticale depuis le sommet de la paroi (ou du cadre) vers le bas, suivant la force de gravité, en respectant un certain parallélisme entre les supports de cire. Les cirières laissent entre chaque construction l’espace
correspondant au passage de deux abeilles qui se croisent. Ces espaces permettent aussi la circulation de l’air dans le nid et sont utiles aux ouvrières pour climatiser la ruche. Les ouvrières peuvent produire de la chaleur grâce à leurs muscles alaires et la diriger vers le couvain operculé en le « couvant ». Les abeilles qui ne sont pas affectées au chauffage du couvain régulent aussi la température en jouant le rôle d’isolant thermique par leur présence et leur nombre. Les abeilles ont également les capacités de rafraîchir le nid et de maintenir la température et l’hygrométrie idéales. On parlera de thermorégulation active du nid.

Des facteurs sociaux tels que la température du nid et sa thermorégulation active mais aussi la division du travail, le nettoyage de l’espace et du couvain, la taille de la colonie, l’essaimage, ont un rôle à jouer dans les interactions hôte-parasite et dans la multiplication ou le maintien des pathogènes. En cela, ils contribuent à la protection de la colonie au même titre que les gardiennes veillant à repousser les intrus.

Protéger la colonie c’est la protéger physiquement mais aussi contribuer au maintien de son immunité. Pie et al. ajoute à cette liste l’architecture du nid, qui peut jouer un rôle important dans la dynamique de transmission des maladies chez les insectes sociaux.

Des nids à plusieurs chambres, comme chez l’abeille mellifère, seraient a priori favorables à un contrôle de la transmission des maladies par les abeilles elles-mêmes. Bien entendu, les matériaux de construction en eux-même constituent un élément clé de la protection du nid du point de vue sanitaire. Nous évoquerons ceci dans la prochaine fiche.

Références :
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