Le cadre témoin, le livre de la ruche

Papi et api - George (Dejalle)

S’il n’est pas une nouveauté, le cadre témoin est une pratique qui mérite d’être redécouverte tant elle permet une lecture fine de la vie de la colonie, sans déranger les abeilles et avec un certain gain de temps. Un outil utile pour les apiculteurs soucieux de bien comprendre leurs abeilles.


L’origine

C’est le Dr Paschke qui a mis au point la méthode dans les années 30. Cet apiculteur allemand était ingénieur en ergonomie dans l’industrie. Son emploi du temps professionnel était si chargé qu’il n’avait que peu de temps à consacrer à ses ruches. Il a donc mis ses qualités techniques et sa perspicacité au service d’une méthode rationnelle de conduite des colonies d’abeilles, méthode qui lui a permis de suivre un grand nombre de colonies efficacement et de produire plus de miel et de cire. Le résultat de ses travaux fut publié en 1939 dans un ouvrage intitulé « Baurahmenimker  », ce que l’on peut traduire en français par : « l’apiculteur avec le cadre à bâtir » c’est-à-dire le « cadre témoin ». Avec sa méthode et la ruche inventée pour appliquer sa technique, le rucher du Dr Paschke est passé de 10 à 60 ruches sans avoir plus de temps à consacrer et en augmentant sensiblement la production de miel à la ruche. Il existe deux sortes de cadres témoin. On développera surtout le cadre témoin extérieur :

  • le cadre témoin intérieur remplace un cadre de corps et est muni d’une amorce de cire ; celui-ci pourrait être divisé en 2 verticalement.
  • le cadre témoin extérieur qui se place à l’arrière de la ruche, le plus souvent en un cadre en bâtisse chaude ou mieux en deux demi-cadres.

La construction

• Les ruches dans le commerce ne sont pas bien réalisées et ne laissent pas assez de place pour la construction des mâles et oublient l’isolation. La distance entre l’arrière des cadres et la vitre sera de 45 à 48 mm.
• Une porte sur charnières permettant son démontage sera pourvue d’une fermeture et sera exécutée avec une isolation de minimum 50 mm, ce qui permettra son occupation dès le début des premières floraisons (saule et merisier)
• Je fixe également 3 petits rails supérieurs qui permettent de recevoir 2 cadres témoins identiques amovibles.
• Ces petits cadres seront réalisés à l’aide d’un gabarit pour obtenir les mêmes découpes pour toutes les ruches et ils auront en partie supérieure 2 oreilles de +- 3 mm pour les suspendre dans les rails.
• La vitre sera souvent en verre de 4 mm pour plus de facilité de nettoyage tandis que le plexiglas sera vite griffé et opaque.

Le cadre témoin en hiver

Le cadre témoin sera vide, ce qui va permettre, à l’aide d’une lampe torche, d’observer la colonie tout l’hiver :

  • Est-elle toujours en vie ?
  • Les cadres de nourriture dans les coins supérieurs sont-ils operculés ?
  • Combien de ruelles sont occupées ?
  • Y a-t-il des intrus ?
  • Etc.
    Dès le début de la ponte de la reine, à cause du réchauffement de l’ensemble de la ruche, une condensation va apparaître pendant quelques jours et lorsque la vitre sera à température de la ruche, cette condensation va disparaître.
    Si nous remarquons sur la vitre plusieurs taches de déjections, il sera opportun de réaliser une visite dès que le temps le permettra et le plus tôt possible : la colonie est certainement orpheline, (il faudra la remérer ou la réunir avec une autre) ou bien c’est la présence de mauvaise nourriture.
    Des petits récipients (bacs de fabrication maison) peuvent être déposés entre le cadre et la vitre afin de donner de l’eau ou du miel lorsque la colonie sera réveillée.

Le cadre témoin au printemps

La première construction indique la bonne santé de la colonie et les premières récoltes de nectar. Il faut veiller à amorcer correctement le cadre témoin (avec un début de construction si possible) en chauffant la partie supérieure du cadre témoin à l’aide d’une flamme (briquet). Il faut souder correctement pour éviter sa chute. Il est préférable de placer les cellules pointes vers le bas. Lorsque la moitié du cadre témoin sera construit, la colonie manquera de place. Il sera alors important de l’agrandir en plaçant 1 ou 2 cires gaufrées. S’il y a des rentrées importantes de nectar, il sera déposé en partie sur les bâtisses du cadre témoin, sinon la reine commencera la ponte de mâles car la majorité des constructions au cadre témoin seront en cellules de mâles.

Lorsque les 2 cadres sont construits et que la température le permet (au début de la floraison du pissenlit), il est conseillé de placer la hausse. De plus, il faut enlever 1 des 2 cadres témoins et le découper en laissant une amorce au-dessus. La prochaine fois, il faudra enlever le cadre operculé en cellules de mâles, ce qui va permettre d’éliminer quelques varroas et de régaler les mésanges ou les poules.

Dès les premières constructions, il sera impératif de découper ou de faire un suivi tous les 3 à 4 jours de l’évolution des colonies (ex : lundi soir et jeudi soir).


Nous remarquons très vite s’il y a des rentrées de nectar : il sera déposé dans les cellules du cadre témoin. Il faudra toujours un cadre en construction, sinon on n’aura aucun contrôle au niveau de l’essaimage et de la vitalité de la ruche. Si vous avez plusieurs colonies, il sera facile de comparer la vitesse de construction ou son arrêt. Il faut toujours noter dans un carnet le jour de la découpe du cadre témoin et préciser si c’est un cadre blanc avec œufs et larves ou operculé : le suivi est très important !

5 signes qu’une colonie est en fièvre d’essaimage 

Si une de ces remarques est constatée, il est indispensable de visiter toute la colonie ainsi que les cadres témoins pour vérifier s’il n’y a pas de cellules royales occupées par des œufs, larves ou des cellules royales operculées :

1. Il n’y a pas ou très peu de constructions alors que les autres colonies bâtissent ;
2. Beaucoup d’abeilles sont massées à l’arrière et presque inactives alors que, dans les autres ruches, elles travaillent.
3. Les cadres présentent des cellules déformées (surtout au milieu) ;
4. Les cadres sont construits en moins de 2 jours : signe de précipitation avant le repos ;
5. Des cellules royales sont en ébauche ou déjà occupées.

Si l’élevage royal est confirmé, il faudra enlever la mère avec un ou 2 cadres de couvain et 1 cadre de nourriture et la mettre dans une ruchette de réserve et, si possible, estimer l’âge des cellules royales pour connaître le jour de la naissance de la première reine (chant : tu-tu) et attendre la réponse plus grave.
Pour plus d’info sur ce sujet je peux vous envoyer ma présentation : « Comment gérer les cellules royales ».
Ces cellules royales naturelles seront bénéfiques pour multiplier les colonies, c’est le moment de former de nouvelles ruchettes si la souche est valable au niveau rendement et douceur. Pendant ce temps, il n’y a plus de constructions au cadre témoin. Dès que la construction recommence, la reine est probablement fécondée et va débuter sa ponte. Il faudra alors vérifier après quelques jours s’il y a effectivement des œufs au fond des cellules.

Si la reine est née avant fin mai, elle pondra directement des mâles au cadre témoin mais, si celle-ci est née en juin, il n’y aura plus d’œufs au cadre témoin ; si vraiment c’est le cas, il faut vérifier qu’il n’y ait pas plusieurs œufs dans les cellules car on aurait dans la ruche des ouvrières pondeuses (à contrôler dans le nid à couvain si c’est bien le cas). Dans tous les cas, il faut contrôler la véracité du cadre témoin.
Le seul moment où le cadre témoin n’est pas fiable, c’est lorsque les conditions météo sont défavorables (pluie, sécheresse) : manque de récolte de nectar, toutes les colonies ont arrêté les constructions. Il sera indispensable de réaliser une visite des colonies (minimum 1 fois par semaine) pour vérifier la présence ou non de cellules royales occupées, sinon il y a risque de sortie d’un essaim lorsque le beau temps reviendra.

Le cadre témoin en été

Dans les cadres témoins qui sont dans les hausses, on peut obtenir des gâteaux de miel lors de bonnes années de récolte. Nous allons constater, à partir de fin juin, une diminution voire un arrêt de la construction. A partir de juillet, il n’y a plus de raison de se tracasser pour l’essaimage et on va remarquer une diminution des rentrées de nectar. Chaque fois que la construction reprend, c’est la preuve de rentrées. Mais bien vite, il aura un délaissement du cadre témoin par les colonies ; elles pensent déjà à diminuer leur population. Mais s’il y a construction fin juillet début août, c’est qu’il y a des rentrées de miellat : après quelques jours, le miellat se figera dans les cellules avec un effet miroir où il sera en cristaux comme du fin sucre aggloméré dans les cellules et ensuite évacué par les abeilles.

Il sera conseillé de remplacer des cadres du corps de ruche remplis de ce miellat (très souvent néfaste pour nos avettes), car cette nourriture provoquera de la dysenterie en hiver et au printemps prochain. Il est préférable de placer des cadres vides et de nourrir la colonie au sucre ou mieux, au miel.

Les cadres témoins seront enlevés fin août au plus tard.
Il y a plusieurs avantages au cadre témoin en été :

  • Nous allons, par exemple, placer certains produits de traitement par émanation contre la varroase (ex. acide formique…) dans le châssis du cadre témoin ;
  • On va également observer la réaction de la colonie pendant le traitement, surtout lorsqu’on essaie des nouveaux produits ;
  • On pourra juger le bon emplacement des inserts et au besoin les déplacer si moins de contact ;
  • On peut également y suspendre une cage à reine pour sa libération ;
  • Estimer l’infestation des varroas ;
  • Connaître la rapidité de nettoyage de la colonie.
Quelques exemples concrets d'observations au cadre témoin tout au long de l'année apicole
Quelques exemples concrets d’observations au cadre témoin tout au long de l’année apicole

Le greffage de témoin

Du point de vue de la gestion de la reine, d’autres avantages sont à relever.
On peut, par exemple greffer un morceau de jeune couvain avec de très petites larves de 1 à 2 jours max. pour constater la présence ou pas d’une reine.
Si on constate un étirage de cellules royales au bout de 3 à 5 jours, cela signifie que la colonie est orpheline. Un morceau de cadre témoin de mâles non operculé convient aussi. Les abeilles étireront des cellules royales non viables car les œufs sont non fécondés.
Le témoin permet aussi d’élever quelques reines artificielles.
On peut également greffer des cellules royales trouvées dans une autre colonie pour remplacer une reine défectueuse, on pourra ainsi acter de visu la naissance d’une reine.
On peut également récupérer des cadres témoins operculés de mâles dans des ruches valables et les placer dans des ruchettes pour la sélection de mâles.

Le cadre témoin en automne

Le temps est aux observations et les colonies peuvent l’être à tout moment grâce à une lampe de poche. On constate aussi les réserves de miel operculés, la bonne position des inserts d’acaricide, l’organisation de la grappe pour l’hivernage…

Conclusion

On le voit, le cadre témoin a beaucoup d’utilités et permet une observation de la colonie pendant toute l’année. Avec un peu d’expérience, on aura une vision fine qui permettra d’être en synergie avec ses colonies.