Le point sur les boîtes polonaises

Didier BRICK

Leur usage n’est pas neuf, mais même du côté des inséminateurs, on en entend peu parler.Pourtant, en 2011 déjà, Bernard Leclercq réalisait une vidéo [1] sur l’usage de ces boîtes. L’expérience que j’en ai faite est quelque peu différente. Je vous en parle ici et je vous invite à me transmettre vos avis, si vous avez déjà utilisé la méthode.

A quoi ça sert ?

Vous avez sans doute déjà pu observer de drôles de petites boîtes chez votre fournisseur de matériel apicole. Leur usage a été développé, à l’origine, comme leur nom l’indique, par des Polonais, afin de loger des reines destinées à l’insémination artificielle

Comment ça marche ?


Préparation des boîtes
La paroi de la boite étant lisse, il faut coller un morceau de cire gaufrée dans le fond pour permettre aux abeilles de s’accrocher. On peut également fixer un morceau de « baticadre ». Les boîtes sont peuplées à l’aide d’une cinquantaine d’ouvrières que l’on prélève dans les hausses à miel. Lors de la constitution de la boite, faites attention à ne pas ajouter de faux-bourdons, synonyme de bouches inutiles à nourrir.


Introduction des reines vierges
La reine vierge est introduite parmi les abeilles dans les heures qui suivent sa naissance, engluée avec un peu de miel. Je prends soin de la marquer avant son introduction afin de la repérer plus facilement le jour de l’insémination. Idéalement, j’utilise des reines « fraichement » nées qui ont maximum une demi-journée de vie. Elles sont plus lentes et n’ont pas encore développé de phéromones royales, elles sont plus facilement acceptées. Il est également possible de fixer la cellule royale prête à naître, ce qui évite tout risque pour la reine, mais empêche de facilement la contrôler, voire de la peser pour sélectionner les meilleures.


Conservation jusqu’à l’insémination
Personnellement, j’ai conservé les boîtes en cave (environ 18°C), à l’obscurité. Guillaume Misslin, inséminateur Français et coordinateur de projet chez Arista Bee Research, les place également au frais, mais à plusieurs dans une même grande boîte en carton, ce qui a pour effet d’élever la température globale. Quant à Bernard Leclercq, vous pourrez voir dans sa vidéo1 qu’il préfère les laisser en couveuse ou même encore dans la hausse d’une ruche de production, entre deux cadres. L’année prochaine, je testerai ces différentes méthodes afin de les comparer.
Le réservoir est alimenté régulièrement (attention à suivre quotidiennement la consommation) avec du sirop ou du miel de robinier faux-acacia. Le tout, c’est d’avoir un miel liquide. Attention d’éviter les miels riches en miellat qui surchargent les intestins des ouvrières ; elles défèquent alors dans les boîtes et cela peut mettre la future reine inséminée dans de mauvaises conditions sanitaires.
Tout ce petit monde patiente ainsi entre 8 et 12 jours que la reine ait l’âge optimal pour l’insémination.


24 h avant l’insémination
Là, c’est super pratique ! Pas besoin de chercher les reines dans chacun des nuclei. Toutes les boîtes peuvent être logées ensemble dans un même grand récipient pour être narcosées au CO2 les 7 minutes nécessaires pour préparer la reine physiologiquement.


Le jour de l’insémination
Le jour J, idéalement, il vaut mieux préparer des boîtes avec de nouvelles ouvrières que l’on prélève à nouveau dans les hausses, quelques heures avant l’insémination afin que les abeilles se sentent orphelines.
Pour l’insémination, on peut à nouveau narcoser la boîte et tout son contenu pour prélever la reine tranquillement. Dans ce cas, les abeilles tombent (littéralement) endormies rapidement. Il n’est pas utile de poursuivre la narcose au-delà de la durée nécessaire au prélèvement de la reine.
La reine inséminée est réintroduite endormie, légèrement engluée de miel, dans la boîte parmi les abeilles qui subissent une petite narcose. Il s’agit de leur première, puisque ce sont les nouvelles qui vont accompagner la reine pour la suite.
Attention, d’après nos expériences, il semble que le succès de cette réintroduction dépende du calme dans lequel les boîtes sont entreposées. Mieux vaut préférer un endroit à l’obscurité et à l’abri des courants d’air. La reine fraîchement inséminée doit faire corps avec ses nouvelles abeilles, sans stress.


Stockage jusqu’à l’introduction en ruchette
Les boîtes retournent dans les mêmes conditions que celles qui ont précédé l’insémination durant 6 jours. On estime que si la reine est vivante passée ce délai, elle ne doit pas avoir été infectée ou blessée au cours de l’insémination. Dans le cas contraire, on la retrouve malheureusement morte.


Introduction en ruchette
Voici sans doute le nœud du problème. En effet, jusqu’à présent, les avantages de l’utilisation des boites polonaises sont nombreux, le plus flagrant étant le peu de place et de temps consacré à la constitution du « nuclei ». Ici, plusieurs méthodes semblent fonctionner. Personnellement, j’ai utilisé la méthode de l’essaim artificiel avec des mini+ et même des EWK au format mini+. A partir de mini+ bien peuplées, j’ai constitué des petits essaims de deux cadrons de couvain operculé et d’un de nourriture quelques heures (environ 4h) avant d’introduire la reine en cagette « Iltis » fermée. Ces essaims artificiels sont préparés en milieu de journée pour éviter de prendre des butineuses et ils sont déplacés à plus de 3 km du rucher. Le fond de chaque mini+ est muni d’un plancher avec grille à reine pour éviter que la jeune inséminée ne tente un vol de fécondation, ce qui gâcherait tout le travail réalisé précédemment : si elle est clippée, elle tombe au sol et se perd, si non, elle pollue génétiquement la combinaison génétique effectuée.

Le lendemain de l’introduction, si les ouvrières sont calmes sur la cagette, un bouchon de candi est placé ce qui permettra une libération lente de la reine.

Contrôle de la ponte
Après quelques jours, on peut contrôler le succès de l’opération et la ponte de la reine. Si après 6 jours, soit 12 jours après l’insémination, l’intéressée ne pond toujours pas, elle est renarcosée 7 min.

Avantages ?

Pas besoin de certificat sanitaire
Dans le cadre d’une organisation collective comme Buckfast Wallonia (www.buckfastwallonia.be), j’ai pu tester ces avantages. Puisque des apiculteurs de toute la Wallonie se rassemblaient en un seul lieu avec des nuclei, il avait logiquement été demandé à chacun de se munir d’un certificat sanitaire, afin de prouver l’absence de loque américaine. Pour rappel, il suffit d’envoyer un morceau de rayon de miel à Sciensano (www.sciensano.be/fr/demande-danalyse).
Cela représente toutefois un coût de 35 €. Ceci n’est pas l’objet de l’article, mais un des apiculteurs inscrits a, grâce à cela, pu détecter un foyer de loque dans son rucher, preuve qu’il reste plus que pertinent de l’exiger.
Avec des boîtes polonaises, analyse inutile car l’apiculteur n’amène pas de nuclei avec du couvain et ne laissera voler aucune abeille sur place ! Et à propos des butineuses, c’est toujours problématique de quitter une séance d’insémination avant les autres et d’abandonner des abeilles qui vont aller se faire accepter dans les nuclei voisins en créant parfois un stress qui conduit à la mort de la reine fraîchement inséminée.


Transport facilité vers les lieux d’insémination
Toujours lors de notre week end Buckfast Wallonia, certains ont préféré ne pas laisser voler leurs nuclei qui sont restés à l’ombre, mais exposés à des températures élevées malgré tout. Ils ont ainsi évité d’être mobilisés la journée entière sur place. Ceci étant dit, les abeilles étaient agitées et nous avons eu des retours de résultats négatifs de la part de ces apiculteurs. Encore une fois, déplacer des boîtes polonaises présente moins de stress pour les abeilles et la reine inséminée pour autant qu’elles soient placées dans une pièce sombre.

Gain de temps dans la manipulation des reines
L’apiculteur gagne du temps, à la fois pour la recherche de la reine vierge la veille de l’insémination en vue de la narcoser et le jour de l’insémination. Aussi, on évite tout risque de la voir s’envoler.
L’inséminateur qui travaille seul évite les allées et venues pour le transfert des reines depuis les ruchettes, à l’extérieur, jusqu’à la table d’insémination. Une fois le sperme prélevé, il ne bouge plus de son poste d’insémination.

Pas de mobilisation d’un nuclei de fécondation pour une reine qui mourra d’une infection
On n’introduit que des reines viables après insémination. Celles qui ont été blessées ou infectées meurent dans la boîte. On ne mobilise pas ainsi une ruchette pendant 15 jours pour rien.
Inconvénients ?

On postpose l’acceptation de la reine par la colonie dans laquelle elle pondra ses premiers œufs. Si on perd une reine vierge lors de son introduction en nuclei, c’est sans trop de gravité. C’est très frustrant lorsqu’une inséminée est retrouvée morte à ce stade.

En conclusion

L’apiculture et ses techniques, c’est finalement une somme d’astuces. Il en va de même pour les boîtes polonaises. Une fois leur gestion maîtrisée, je pense qu’elles apportent plus d’avantages que d’inconvénients. Et surtout, elles permettent de lever les freins liés à l’obtention et au coût du certificat sanitaire pour le petit apiculteur qui n’a que quelques reines à amener lors d’une journée d’inséminations collectives.

Eleveurs, à vous de jouer !

1. https://miniurl.be/r-46q3
2.Je vous invite à me transmettre vos avis, si vous avez déjà utilisé la méthode (brickdidier chez gmail.com).