Les varroas phorétiques s’attaquent au corps gras des abeilles adultes

Varroa destructor ne se nourrit pas seulement d’hémolymphe mais apprécie particulièrement le corps gras des abeilles mellifères.

Les varroas sont des parasites qui peuvent consommer des tissus semi-solides à l’endroit où ils s’attachent à leur hôte. Ce comportement est confirmé à la fois par le système digestif du parasite et par ses pièces buccales qui permettent au liquide salivaire de se mélanger efficacement au tissu interne de l’hôte. Les chercheurs ont cherché à valider leur hypothèse selon laquelle, du fait des caractéristiques physiologiques de l’acarien, il allait plutôt chercher à se nourrir des tissus adipeux des abeilles plutôt que de l’hémolymphe. Selon eux, « un tel comportement alimentaire correspond davantage à notre compréhension actuelle de la morphologie et de la physiologie de Varroa et de la diversité des pathologies associées à son alimentation. »


Qu’est-ce que le corps gras ?

Le corps gras est un organe vital, riche en nutriments, situé près de la cuticule des abeilles adultes et immatures. Il joue un rôle clef dans la régulation hormonale, la réponse immunitaire et surtout la désintoxication de l’organisme soumis à des pesticides. Le corps gras est réparti dans l’hémocèle des larves et des nymphes au stade précoce. Chez les abeilles adultes, il est principalement localisé au niveau des surfaces internes dorsale et ventrale du métasome.

Les varroas se fixent là où ils se nourrissent

Partant de l’hypothèse que les varroas se fixent sur le corps des abeilles là où ils vont trouver à se nourrir, les chercheurs ont cartographié leur emplacement sur des abeilles adultes parasitées. Les varroas ont été trouvées fixés sur le métasome à 88,5%, sous le sternite ou le tergite du troisième segment, de préférence du côté gauche de l’abeille. Aucun acarien n’a été trouvé sur la tête de l’abeille hôte et peu d’acariens ont été trouvés sur le mésosome dans la région thoracique. A cet endroit, les varroas cherchaient à passer sur le corps d’une autre abeille et n’étaient pas en posture de s’alimenter. Aucune trace d’alimentation du parasite n’a d’ailleurs été trouvée à cet endroit. Le positionnement majoritaire sur la surface ventrale interne du métasome correspond à l’endroit où se situent les plus gros dépôts de tissu adipeux. Ceci permet également de mieux comprendre pourquoi les parasites semblent préférer les nourrices, dont le corps adipeux est plus important que celui des butineuses. Ce n’est donc pas simplement l’accès au couvain qu’ils recherchent mais également une source d’alimentation. Le troisième segment, très convoité par le parasite, est le segment le plus long et donc le plus intéressant puisqu’il fournit un espace pour se nourrir tout en dissimulant la majeure partie du corps du parasite à l’hôte qui aurait un comportement de toilettage.


Statistiques de présence de Varroa – © Varroa destructor feeds primarily on honey bee fat body tissue and not hemolymph – Samuel D. Ramsey, Ronald Ochoa, Gary Bauchan, Connor Gulbronson, Joseph D. Mowery, Allen Cohen, David Lim, Judith Joklik, Joseph M.Cicero, James D. Ellis, David Hawthorne, Dennis vanEngelsdorp


Varroa coincé sous le troisième tergite du métasome, à l’abri du toilettage – © Varroa destructor feeds primarily on honey bee fat body tissue and not hemolymph – Samuel D. Ramsey, Ronald Ochoa, Gary Bauchan, Connor Gulbronson, Joseph D. Mowery, Allen Cohen, David Lim, Judith Joklik, Joseph M.Cicero, James D. Ellis, David Hawthorne, Dennis vanEngelsdorp

Des plaies et des bactéries

Des blessures dans la membrane intersegmentaire sont nettement visibles au microscope à balayage électronique à l’endroit où l’acarien s’est nourri sur l’abeille. Juste au-dessous de la surface de la plaie, les cellules graisseuses sont endommagées et abritent des colonies de bactéries, ce qui est inquiétant.


Plaie visible dans un site d’alimentation du varroa avec traces des pièces buccales de l’acarien (flèche noire) et ambulacres de l’acarien (flèches blanches) restés attachés à la membrane – © Varroa destructor feeds primarily on honey bee fat body tissue and not hemolymph – Samuel D. Ramsey, Ronald Ochoa, Gary Bauchan, Connor Gulbronson, Joseph D. Mowery, Allen Cohen, David Lim, Judith Joklik, Joseph M.Cicero, James D. Ellis, David Hawthorne, Dennis vanEngelsdorp


Bactéries présentes dans la plaie – © Varroa destructor feeds primarily on honey bee fat body tissue and not hemolymph – Samuel D. Ramsey, Ronald Ochoa, Gary Bauchan, Connor Gulbronson, Joseph D. Mowery, Allen Cohen, David Lim, Judith Joklik, Joseph M.Cicero, James D. Ellis, David Hawthorne, Dennis vanEngelsdorp

Un régime alimentaire étonnant et confirmé

Selon les tests réalisés, les chercheurs avancent que les varroas nourris de tissus adipeux d’abeilles vivent plus longtemps et produisent plus d’oeufs que les acariens nourris d’hémolymphe. Ceci s’ajoute aux autres arguments qui permettent de dire que Varroa préfère se nourrir de corps gras :

  • l’observation de l’emplacement privilégié des sites d’alimentation,
  • la trace de cellules adipeuses prédigérées dans le corps des acariens,
  • la présence de tissu hôte dense en lipides dans les intestins de l’acarien,
  • la relation étroite qui existe entre la survie, la fécondité et les niveaux de graisse dans le régime alimentaire de l’acarien.

Une avancée significative

Cette avancée dans la connaissance du comportement de Varroa offre une meilleure compréhension des mécanismes des maladies qu’il transmet à ses hôtes. Selon les chercheurs, « il était difficile d’expliquer l’ensemble diversifié des pathologies de l’abeille mellifère en concluant que le parasite se nourrissait d’hémolymphe mais s’expliquait bien par l’exploitation du tissu adipeux aux multiples facettes. »

Source : Varroa destructor feeds primarily on honey bee fat body tissue and not hemolymph – Samuel D. Ramsey, Ronald Ochoa, Gary Bauchan, Connor Gulbronson, Joseph D. Mowery, Allen Cohen, David Lim, Judith Joklik, Joseph M.Cicero, James D. Ellis, David Hawthorne, Dennis vanEngelsdorp – Proceedings of the National Academy of Sciences Jan 2019, 201818371 ; DOI:10.1073/pnas.1818371116