Travaux apicoles au fil des saisons

Pour être apiculteur, il faut pouvoir observer la nature au fil des saisons. À chaque moment de l’année, la colonie d’abeilles sera différente. Le savoir-faire de l’apiculteur consistera à pouvoir interpréter ce qu’il voit pour agir en conséquence. Comprendre l’évolution parallèle de la nature et de la ruche constitue une des clefs de la réussite. Tout doit se faire en harmonie. Il faut éviter, dans la mesure du possible, d’aller à l’encontre du développement naturel des abeilles. Cependant, les intérêts des insectes sont parfois très éloignés de ceux de l’apiculteur. Il faut alors intervenir si l’on veut produire du miel. Pour illustrer ceci, voyons ensemble comment se déroule une année apicole au rucher.

Tout commence au solstice d’hiver. Durant cette période froide, la colonie hiverne. Les dix à vingt mille abeilles sont réunies en grappe serrée à proximité des réserves de miel. Plus le froid sera intense, plus la grappe sera serrée. Les abeilles n’entrent donc pas en léthargie comme on pourrait l’imaginer. Pour réchauffer la grappe à une quinzaine de degrés, elles font vibrer les muscles de leurs ailes. À cette période, dans la ruche, il n’y a plus que des abeilles adultes.

Quelques semaines après le solstice, la reine va reprendre sa ponte à raison de quelques oeufs par jour au début, pour arriver à une centaine d’oeufs dans le courant du mois de février. Dès que les premiers oeufs sont pondus, les abeilles vont devoir augmenter la température du nid pour atteindre 36°C. À ce moment, les abeilles doivent produire plus d’énergie pour maintenir une température suffisante autour de l’ensemble du couvain. Sachant cela, l’apiculteur sera particulièrement attentif à l’isolation de ses colonies et il évitera toute intrusion qui risque de porter un coup fatal au jeune couvain et au fragile équilibre de la colonie. Dès que la reine reprend sa ponte, les abeilles doivent l’alimenter en gelée royale (sécrétion de glandes hypopharyngiennes présentes dans la tête des ouvrières). Pour cela, elles consomment du pollen qu’elles avaient pris soin de stocker en fin de saison.

Dès les premiers rayons de soleil et une température un peu plus clémente (plus de 11 à 12°C), les abeilles vont effectuer leur vol de propreté. Durant toute la mauvaise saison, elles ne pourront déféquer dans la ruche, ce qui explique leur empressement à se libérer dès les premiers beaux jours. Cela ne fait point l’affaire des ménagères qui profitent de ces journées ensoleillées pour faire sécher leur linge dehors. Avec un peu d’attention, vous pourrez voir quelques butineuses s’affairer sur les chatons du noisetier ou dans les corolles des crocus et des perce-neige.

 !!!Le printemps, l’explosion

La floraison des saules marsault marque une accélération dans la vitesse de ponte de la reine qui pourra par la suite dépasser largement les mille oeufs pondus par jour. Les pollens de saules puis de pissenlits sont très riches et ils vont stimuler la reine dans sa ponte et permettre un élevage beaucoup plus important des jeunes larves. Les premiers oeufs de mâles seront pondus. Le temps est plus chaud et les apiculteurs profitent d’une belle journée pour examiner les colonies. C’est la traditionnelle visite de printemps. Ils échangent des cadres usagés contre des cadres neufs, vérifient les réserves de nourriture, évaluent l’ampleur du couvain... Les vieilles abeilles d’hiver font place à de jeunes abeilles. Chaque beau jour est mis à profit par les nouvelles butineuses pour rapporter à la ruche du pollen frais et du nectar. Un peu plus tard, souvent en début de floraison des fruitiers et en fonction du développement des colonies (comptant déjà près de 40.000 abeilles), les apiculteurs placent une hausse sur chaque ruche. C’est dans ces éléments contenant des cadres de petite taille que les abeilles entreposeront les récoltes de nectar qu’elles auront pris soin d’assécher et de transformer en miel. Chaque semaine, la colonie est plus populeuse pour atteindre son apogée en juin. Ici, les intérêts de la colonie et de l’apiculteur divergent. La première va tout faire pour se diviser et ainsi se reproduire. Par contre, l’autre n’y aura aucun avantage.

Si on laisse faire la nature, les abeilles vont élever de jeunes reines. Juste avant leur naissance, la vieille reine quittera la ruche avec une partie des ouvrières pour partir fonder une nouvelle colonie. Dans un premier temps, l’essaim prendra son envol pour se poser à proximité de la ruche. Dans les jours qui suivent, l’essaim ira s’établir dans une cavité d’un volume adapté à ses besoins. Dans la ruche, dès sa naissance, une des jeunes reines prendra le commandement des abeilles restées en place. Après quelques jours, elle prendra son envol pour se faire féconder en vol par une bonne dizaine de mâles. Revenue à la ruche, elle débutera sa ponte.

Une colonie qui essaime n’est plus à même d’effectuer une belle récolte en été. Voilà pourquoi les apiculteurs tentent de prévenir l’essaimage par bien des techniques. Cela demande beaucoup d’attention et de travail. Cette période est certainement la plus critique de l’année. Enfin, après le solstice d’été, la période d’essaimage est passée et la ponte de la reine va régresser.

 !!!Récolter son miel

La période d’essaimage correspond bien souvent à la période de récolte des hausses au printemps. Les miels seront le reflet des floraisons locales (fruitiers, colza, pissenlits, aubépines). Les bonnes années, on pourra récolter jusqu’à deux ou trois hausses. Fin juin ou début juillet, dans certaines régions, ce sont les robiniers, les tilleuls ou les châtaigniers qui fourniront des miels particulièrement typés. Les miels d’été seront plus diversifiés. Les trèfles blancs et les ronces en constituent généralement la base. On trouvera également des miels de phacélies ou d’épilobes. Cependant, en Ardenne principalement, les abeilles iront butiner des sécrétions de sèves d’arbres (épicéas, érables, chênes) rejetées par les insectes piqueurs suceurs. Cela donnera un miellat généralement plus coloré et au goût de caramel ou de cassonade éventuellement résiné. L’enlèvement des hausses pour en extraire le miel est relativement simple et ne doit prendre que quelques instants si l’on ne veut pas provoquer de pillage. Après cette opération, les hausses arrivent sans abeilles à la maison ou chez un ami apiculteur qui dispose du matériel nécessaire. Là commence le travail d’extraction. La première étape consiste à enlever avec un couteau ou une fourchette particulière les couvercles que les abeilles ont placés sur les alvéoles de cire pour protéger le miel. Les cadres de miel liquide sont répartis dans un extracteur qui chasse le miel par la force centrifuge. Le miel est ensuite filtré et placé dans une cuve appelée maturateur. Tout miel cristallise (même un miel d’acacia après plusieurs années). Chez nous, les miels cristalliseront normalement dans les quinze jours. Pour homogénéiser et affiner la cristallisation du miel, les apiculteurs vont le malaxer jusqu’à sa mise en pots.

Il ne faut pas oublier que les abeilles récoltent le miel en vue de l’hivernage. Il est donc normal que, fin juillet, l’on donne du sucre aux abeilles pour leur permettre de passer l’hiver sans encombre. Les apiculteurs placent à cette fin un nourrisseur (récipient adapté) sur le sommet de la ruche et le remplissent de sirop de sucre que les abeilles viendront pomper. De 10 à 20 litres seront ainsi rendus à chaque colonie. On leur doit bien cela.

La ponte de la reine va ralentir pour s’arrêter dans le courant du mois d’octobre ou de novembre. Les pollens récoltés en fin de saison (maïs, asters, lierre) seront stockés pour assurer un bon démarrage printanier.

La mauvaise saison sera mise à profit par l’apiculteur pour bricoler l’un ou l’autre accessoire, fondre les vieux rayons de cire et préparer les nouveaux pour la saison suivante. Cette période sera également mise à profit pour vendre son miel et analyser comment améliorer son travail lors de la nouvelle saison. Cela reste valable quel que soit le nombre d’années d’apiculture que l’on a derrière soi.