API : Marché et adultération

Etienne BRUNEAU

Norberto Garcia en charge de la Commission économie avait du pain sur la planche avec tous les problèmes liés au marché dont plus particulièrement l’adultération des miels. Cette problématique occupait une large place dans le programme de ce congrès. Le premier jour, la grande salle avec traduction simultanée en français était d’ailleurs focalisée sur l’adultération des miels avec un symposium et une table ronde.
Durant le symposium, nous avons eu une présentation des différents laboratoires qui ont expliqué les derniers avancements de leurs techniques en matière de détection des fraudes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le problème est complexe mais qu’aujourd’hui, on dispose de techniques très performantes. Les plus sophistiquées sont la résonance magnétique nucléaire qui se base aujourd’hui sur une base de 19.000 miels analysés provenant des diverses régions du monde. Cette technique RMN permet d’analyser 66 paramètres différents (sucres, acides etc) et permet de détecter la plupart des ajouts de sirops. Elle permet également de vérifier certaines origines géographiques et les appellations monoflorales les plus courantes. La méthode LC-HRMS (chromatographie liquide haute résolution couplée avec une spectroscopie de masse) permet d’aller très loin dans les zones d’analyse qu’on privilégie. Elle permet de détecter l’ajout d’une centaine de sirops simultanément. Elle peut également mettre en évidence la présence de nouveaux pics liés à l’ajout de sucre encore inconnus. Aujourd’hui, l’ensemble des laboratoires reconnaissent qu’une combinaison de ces deux techniques auxquelles on peut ajouter l’analyse utilisée par le JRC de la commission ((13C-EA/LC-IRMS) ainsi que les analyses classiques d’identifications polliniques et organoleptiques offrent la solution la plus adaptée pour détecter les fraudes dans les miels. Lors de la table ronde, nous avons pu constater qu’il n’existe pas d’harmonisation au niveau des méthodes utilisées, chaque laboratoire se basant principalement sur sa propre expérience et sur ses bases de données. On a lancé l’idée de réaliser un test comparatif inter-laboratoires au niveau international qui serait géré par Apimondia.
A côté de ces méthodes déjà connues, QSI a présenté des résultats sur la recherche d’eau ajoutée dans les miels. Le rapport entre les isotopes naturels de l’eau 2H et 180 sont connus et après un séchage, ce rapport évolue. On peut ainsi vérifier si l’on a ajouté de l’eau ou un sirop à base d’eau dans du miel.

La déclaration d’Apimondia sur l’adultération des miels devra faire l’objet d’améliorations suite aux plaintes de plusieurs pays demandant de pouvoir prendre en compte certaines spécificités locales (récoltes lorsque le climat présente des caractéristiques tropicales…). Afin de clarifier la situation en matière de déshumidification, une table ronde avec des intervenants de différents continents a permis de se rendre compte de l’ampleur de ce problème car dans de nombreuses parties du monde, les apiculteurs sont parfois amenés à enlever l’excès d’eau présent dans leur miel pour arriver sous le seuil de conservation des 18 %. On parle généralement de retrait que quelques % (maximum 3-4) avec une déshumidification passive. Le réel problème qu’Apimondia veut résoudre, c’est le problème des miels non matures ne correspondant pas à la législation internationale. Ils ne peuvent être acceptés comme des miels sous peine de créer une disparité importante au niveau des producteurs et une duperie au niveau des consommateurs. Une récolte prématurée du nectar partiellement transformé en miel permet aux abeilles de récolter des quantités plus importantes de nectar vu qu’elles ne doivent plus passer leur énergie à le sécher et à l’operculer et, à la récolte, l’apiculteur peut se passer de la désoperculation lourde en main d’œuvre. Naturellement, l’apport des abeilles dans ces miels est limité et de plus, vu leur humidité importante, la grande majorité des miels fermenteraient et doivent donc être passés sur résines pour enlever les levures, ce qui a pour impact d’enlever tous les pollens et d’autres éléments constituants du miel (mais également d’autres substances comme les éventuels antibiotiques). Ils sont ensuite déshumidifiés sous vide. Mélangés à de vrais miels, il est difficile de les reconnaître. Les techniques RMN et LC-HRMS avec leur approche globale (fingerprint) permettent enfin de mettre ces miels en évidence.

Tous ces éléments ont un impact sur le marché des miels qui aujourd’hui s’échangent à des prix extrêmement bas. La production en Europe et en Amérique diminue et la production mondiale est en croissance avec une augmentation de la production asiatique ce qui n’est explicable que par l’ajout de sirops ou par l’utilisation de techniques de récoltes de miels non mature. Un cri d’alarme est lancé car on risque de voir disparaître de nombreux apiculteurs professionnels qui vendent en gros et qui sont liés aux prix du marché mondial. On vend aujourd’hui les miels en dessous de 2€/kg dans les gros pays producteurs et exportateurs de miel de l’Union européenne. Cela risque tôt ou tard de se répercuter sur les prix de vente au détail des miels locaux.