Apiculteurs : questions de choix

« Comment réalisez-vous votre surveillance pré-hivernale et quelles actions mettez-vous en œuvre le cas échéant (blocage de la ponte, renouvellement de reines…) ? »


Michel PONCELET
Apiculteur depuis 60 ans. Partisan inconditionnel des divisibles et de la Langstroth-
Simplicity en particulier. S’occupe de deux ruchers d’une quinzaine de colonies pour la production de miel et l’élevage de reines. Membre actif du rucher expérimental Houille-Lesse-Semois. Biologiste. Enseignant et conférencier apicole.

Un vieil adage apicole dit : « l‘année apicole commence en août de l‘année précédente » lorsque l‘on retire les hausses et que l‘on commence à nourrir... Ne faut-il pas dire « l‘année apicole commence au mois de mai de l‘année précédente par la constitution des nucléi », garantie du maintien du cheptel et de ses qualités ? N‘est-ce pas la première mesure de pré-hivernage ?
Pour ma part, et comme déjà dit dans le n° précédent, je commence la mise en hivernage le plus tôt possible après la fin de la miellée d‘été (mi-juillet) et, fin août, elle est terminée : nourrissage, traitement varroas et calorifugeage du couvre-cadres ; les nucléi du printemps ont pris la place des colonies qui n‘ont pas donné satisfaction ou dont les reines sont trop âgées... Les réunions se font à l‘aide d‘une feuille de papier journal. J‘hiverne quelques colonies en plus que le nombre (24) désiré.
J’hiverne grand, très grand, en hauteur, sur deux corps Langstroth 9 cadres. Il n‘est pas rare de voir des colonies logées sur trois corps... Celles-ci sont ramenées sur deux corps au fil du temps car la grappe libère rapidement ce corps en montant vers la nourriture située au-dessus d‘elle.
Je ne touche plus à rien (sinon prendre les mesures traditionnelles contre l‘humidité et les prédateurs habituels) et comme dit dans le n° précédent : Ces colonies peuvent hiverner tiroir à varroas ouvert et ne craignent ni le froid ni le manque de place en cas de miellée automnale ni la disette en fin d‘hiver : la grappe peut jouer au yoyo dans la cheminée constituée par les deux corps avec toujours sa calotte de nourriture comme couvre-chef. Bien soigner l‘isolation thermique de ce couvre-chef et... à l‘année prochaine.
N.B : rendez-vous cependant au mois de décembre pour un traitement d‘hiver.


Jean-Paul DEMONCEAU
A découvert l’apiculture très tôt (20 colonies dès l’adolescence). Elève aujourd’hui une centaine de colonies pour la récolte de miel en transhumance. Pratique une apiculture intensive. Son objectif : un minimum de colonies de production pour une récolte maximale. Président de la section d’apiculture de la Berwinne.

Pour chaque rucher je remplis un formulaire reprenant le n° des ruches et dès l‘enlèvement des dernières hausses je fais une estimation des réserves en indiquant pour chacune d‘elles le nombre de litres de sirop à leur administrer.
Au préalable j‘ai réorganisé le nid à couvain en plaçant en rives les cadres à écarter le printemps prochain. Une majorité des reines ont été remplacées, principalement celles de 2016 ainsi que d‘autres n‘ayant pas donné satisfaction durant cette saison.
Dans un premier temps pour les colonies ayant peu de réserve je donne d‘office 5 litres de sirop pour les autres 3 litres afin d‘éviter le stress du manque de nourriture et les remettre à l‘aise.
Dès la prise de ce premier sirop j‘effectue mon premier traitement contre le varroa pour ensuite donner par étape le reste du nourrissement.


Marc EYLENBOSCH
Apiculteur depuis 20 ans par plaisir. S’occupe de 15 à 20 colonies dans le Brabant Wallon. Transmet ses connaissances en compagnonnage et au rucher école de la SRABE (Bruxelles). A un profond intérêt pour les plantes mellifères.

La récolte d’été et le traitement d’été contre les varroas sont terminés. Il va être temps de préparer les colonies en vue de l’hivernage.
Comme j’ai pratiqué la méthode Scalvini pour la lutte contre les varroas, je me retrouve avec un corps de ruche sans couvain. On peut donc déplacer les cadres sans perturber le nid à couvain. Cela va être l’occasion de placer les plus vieux cadres vers les rives de la ruche et les cadres plus récents vers le centre de la ruche. De cette manière, au printemps prochain, je pourrai éliminer les vieux cadres qui auront contenu les réserves hivernales mais qui ne seront pas encore remplis de couvain. Je renouvelle ainsi chaque année 1/3 des cadres de mes ruches.
Je profite aussi de cette période pour contrôler l’efficacité du traitement d’été contre varroa au moyen d’un lange placé sous la ruche qui me permet de compter les chutes naturelles de varroas. Ceci me permettra d’évaluer la nécessité de faire un traitement d’hiver.


Frédéric CALMANT
Youtuber, bloggeur, amoureux de la nature et apiculteur dans le Condroz hutois. Biochimiste de formation et un peu touche-à-tout, le pragmatisme a sa place dans son apiculture. Outre la production de miel, l’élevage et la constitution d’essaims remportent ses faveurs.
http://blog.exometeofraiture.net /
https://www.youtube.com/user/fcalmant

Je continue à surveiller les chutes de Varroa, surtout si le beau temps stimule encore de l‘élevage abondant dans les ruches. Ces dernières années, l‘automne est souvent très favorable ce qui permet une recrudescence de l‘activité de butinage sur le lierre et les CIPAN, ce n‘est pas sans poser de sérieux problèmes de ré-infestations tardives ! Les colonies montrant des chutes trop importantes après le traitement principal de fin d‘été recevront un dégouttement à l‘acide oxalique un peu avant la Noël, voire un peu plus tôt pour les ruches les plus atteintes.
Les blocages de ponte en automne sont pour moi aussi dangereux que les famines de fin d‘hiver, et ils sont beaucoup plus compliqués à gérer. Je vais devoir sérieusement penser à un moyen de stocker de nombreux cadres bâtis vides à échanger contre des pleins ! En attendant, et dans la mesure du possible, j‘essaie d‘équilibrer les réserves entre les colonies. L‘extraction des cadres de corps est aussi une solution pour ceux qui disposent du temps et du matériel indispensables.
La fin de saison est aussi le moment d‘en faire le bilan. Les reines n‘ayant pas apporté satisfaction seront remplacées. Je préfère nettement la réunion de la colonie de production avec un essaim de l‘année plutôt que le remplacement de la reine par la méthode de la cagette ; les résultats sont, en effet, nettement en faveur de la réunion en matière d‘acceptation.


François RONGVAUX
Apiculteur depuis plus de 50 ans. Enseignant et conférencier apicole. Directeur de l’école d’apiculture des Ruchers Sud-Luxembourg. Eleveur de reines Buckfast depuis plus de 20 ans. Co-organisateur de la fête du miel à Saint-Léger. Vice-président de la Fédération d’apiculture de la Province de Luxembourg.

Colonies de production

  • 1.Réduction du nid à couvain à 9 ou 10 cadres Dadant : retrait en priorité des cadres à réformer, sinon des cadres contenant peu de couvain qui compléteront les ruchettes où manque l’un ou l’autre cadre. Je ne retire jamais de cadres contenant des réserves de pollen.
  • 2. Nourrissement des colonies en deux temps : 10 à 15 kg (selon les provisions existantes) fin août ou début septembre, 5 kg fin septembre. NB : le nourrissement est réalisé avec du sirop du commerce déjà partiellement inverti.
  • 3. Comme indiqué dans mon article du numéro de mai-juin, il est procédé au remplacement de toute reine ayant assuré deux années de production ou pour toute colonie ayant essaimé ou n’ayant pas donné satisfaction durant l’année. J’ai testé une méthode d’introduction de reine décrite l’an dernier par un apiculteur dans une revue apicole : introduction en cage avec un simple bouchon de candi, dans le couloir du nourrisseur au moment du nourrissement : les abeilles dans l’euphorie acceptent facilement la reine introduite.
  • 4. Maintenir toutes les précautions habituelles contre le pillage.
  • 5. Fin novembre est la période idéale pour le déplacement à faible distance des colonies : l’activité est réduite et la grappe d’hivernage n’est pas encore formée.

Jeunes colonies
Réunion des jeunes colonies dont la reine ne pond pas ou trop peu début août : l’expérience m’a appris qu’elles passent difficilement l’hiver et l’on ne retrouve au printemps que la reine avec une poignée d’abeilles.


François GODET
Apiculteur inspiré par le respect des abeilles et de leurs besoins. Rucher en reconversion Dadant 10 cadres vers des Warré auto-construites dans la Province de Namur. A foi en la vitalité naturelle des colonies. Apiculteur depuis 2012. Elève une vingtaine de colonies réparties sur 3 ruchers.

La première chose que je fais une fois la récolte terminée est de remettre de l’ordre dans les ruchers et à la miellerie ! Mon travail (je suis indépendant) a de nouveau connu un pic dès la mi-juin et mes passages aux ruchers ont parfois été un trop « rapides » !
Dans les travaux de ruchers, je vais travailler l’isolation des ruches par rapport au sol. Mes ruches sont à une cinquantaine de cm du sol sur des palettes à dimension. Afin de les protéger de l’humidité du sol durant la saison hivernale, je vais glisser un isolant entre
2 palettes. L’air circulera mais l’humidité ascendante sera bloquée.
Durant la saison, mes débroussaillages devant les ruches furent intentionnellement légers sans que cela n’ait semblé perturber les butineuses. Par contre cela pourrait perturber les frelons. Fin 2017, j’ai eu l’occasion de voir un frelon s’attaquer à une colonie : j’ai vu qu’il avait besoin d’espace devant la ruche pour effectuer ses va-et-vient. Je pense que des ronces et des orties (ou autres plantes) devant les ruches pourraient être une protection simple, partiellement efficace mais naturelle et à bon compte. A approfondir durant l’hiver.
Mes ruches Warré devraient hiverner sans complément alimentaire : à une exception près, elles sont sur 4 éléments. Au niveau des Dadant, je devrai plus certainement prévoir un complément. J’ai restreint la zone réservée au couvain et augmenté celle dédiée au stockage. L’avantage devrait être double. Moins de ponte signifie moins de larves à nourrir et donc un besoin plus faible en protéines (pour rappel l’étude de l’Université d’Hasselt sur le déficit en pollen dans nos régions). De plus, les abeilles stockeront plus de nourriture. J’ai conservé à part le miel de rayons trop peu operculés pour joindre au sirop que je préparerai sans ajout de vinaigre.
Je ne pratiquerai pas de « greffage » de nouvelle reine (si la colonie est un organisme, changer un de ses ‘organes’ est une greffe). Pas de rupture de ponte en fin de saison, je les pratique chaque année sur la moitié des ruches : divisions ou essaimage accompagné. Pas de traitement avec des intrants médicamenteux ni acides oxalique ou formique - l’article « une mycorévolution pour les abeilles » (A&Cie 184) parle d’ailleurs d’effets négatifs induits par ceux-ci.


Yves LAYEC
Pratique l’apiculture, depuis longtemps, dans le Nord-Finistère. Actuellement, bon an mal an, une cinquantaine de ruches Dadant 10 cadres en ruchers sédentaires. Pratique élevage de reines avec des abeilles du Finistère. Membre des conseils d’administration du GDSA (Groupement de défense sanitaire apicole) du Finistère, et de la FNOSAD (Fédération Nationale des Organisations Sanitaires Apicoles Départementales).

Le mois d’août est fini. La récolte de miel est terminée. Je ne fais pas de récoltes tardives (lierre,…) passé la mi-septembre. Normalement les traitements anti-varroas sont en place depuis fin août ou les premiers jours de septembre. L’objectif est alors d’avoir pour la mi-octobre des colonies viables quelles que soient les conditions hivernales, c‘est-à-dire avoir des colonies

  • En ordre de reine : pas de colonies orphelines évidemment ; avec si possible des reines jeunes (moins de 2 ans) ;
  • Avec du couvain ouvert et du couvain operculé, bien entendu du couvain sain (pas de loque américaine, pas de mycoses) ;
  • Populeuses ; dans des volumes adaptés ;
  • Munies de provisions suffisantes et de qualité. Pour cela quelques travaux au rucher sont indispensables
  • Une visite complète et minutieuse suivie de :
    Élimination des colonies malades de loque américaine ; Changement de reines dans les essaims naturels, remplacées par des reines de l’année. Les reines réformées sont gardées à ce stade ;
    Les cadres bâtis, les cadres vides sont retirés. En effet les abeilles ne bâtissent plus. La colonie est resserrée en ajustant le volume à la quantité d’abeilles et de couvain au moyen de partitions ;
  • Les colonies ayant moins de 7- 8 cadres sont réunies. Les reines réformées sont gardées à ce stade ;
  • Dans les colonies orphelines et/ou bourdonneuses et suffisamment populeuses (les réunir si elles ne sont pas assez populeuses) on tente l’introduction de reines (merci aux reines réformées qui font ici leur BA). Si insuffisamment peuplées elles sont dispersées ;
  • Les provisions sont vérifiées. Dans la littérature apicole, il est indiqué qu’il faut une quinzaine de kilos pour l’hiver. Mais attention ! C’est mieux si ces 15 kilos ne sont pas constitués que de miel de lierre ou de miel de mélèze que les abeilles peuvent avoir du mal à consommer ou de miel de sapin qui peut provoquer des problèmes digestifs si la météo est telle que les abeilles ne peuvent pas sortir pour des vols de propreté. D’où l’intérêt d’un nourrissement en sirop.