Ilanga Nature : des miels malgaches d’exception sur les tables du monde

Agnès Fayet

Un miel d’exception made in Madagascar destiné à l’exportation. Telle est l’ambition d’Olivier Laurent, fondateur belge de la société Ilanga Nature, qui surfe sur la relance de la filière apicole sur l’île depuis que l’Union européenne a levé son embargo sur les produits malgaches d’origine animale en 2011.

Pour Olivier et son équipe, c’est la naissance des possibles avec la production, la récolte et le conditionnement de produits d‘épicerie fine comme les miels de cru, les épices, les sels, les sucres et les confitures.

À l’origine était le poivre rose


Olivier Laurent travaillait dans le transport maritime avant d’amorcer une reconversion dans le commerce des poivres sauvages et des baies de poivre rose du bush malgache. Confronté à des problèmes récurrents de pollinisation du Schinus terebinthifolia, le faux-poivrier, Olivier passe alors un partenariat avec des ONG pour mettre des ruches sur les sites de récolte. Avec certains syrphes et les guêpes polistes, les abeilles mellifères sont les principaux pollinisateurs du faux-poivrier, arbre originaire d’Amérique latine. Il s’est vite rendu compte que les apiculteurs qui rendaient les services de pollinisation n’avaient pas les clients sur place pour acheter leur miel. L’idée lui est alors venue d’assurer un débouché commercial au miel local et de commencer à exporter les miels de cru produits sur la Grande île.

Au début, il a commercialisé le miel dans l’océan indien avant de viser d’autres marchés parmi lesquels le marché européen. Il a créé en avril 2017 la société « Senteurs et Saveurs du Monde » pour produire et distribuer des produits alimentaires des îles. « Ilanga Nature » est la jeune société d’importation des produits de Madagas car située à Tarcienne, dans la Province de Namur.

Jouer la carte de la qualité pour relancer l’économie apicole

Olivier Laurent est parti de la base et a financé la fabrication locale de ruches Dadant. Des ONG allemande et suisse ont envoyé des techniciens pour former les apiculteurs locaux à l’apiculture moderne (récolte, traitements, conduite apicole…). Chaque technicien développe une zone, ce qui comprend la formation des apiculteurs, le développement du cheptel et le suivi des camions extracteurs qui vont sur les sites de récolte. Ces mielleries mobiles 4x4 sont entièrement équipées et permettent l’extraction du miel en respectant les normes sanitaires et en garantissant la préservation de la fraîcheur et de la qualité du produit. Le travail du miel dès l’ex traction est assuré par l’entreprise pour bien contrôler la qualité du produit.


Les conditions d’extraction sont difficiles avec 80 % d’humidité extérieure et 40° de température ! L’humidité est mesurée avant extraction pour s’assurer que l’on est en dessous du taux légal de 20 %. Le miel est payé à l’apiculteur puis le produit est transporté jusqu’à la capitale, Antananarivo, où la société dispose d’une infrastructure adaptée : miellerie avec chambre de déshumidification et atelier de conditionnement des produits. Un système d‘analyse des dangers et points critiques (Hazard Analysis Critical Control Point - HACCP) a été mis en place. La traçabilité et la qualité des produits est d’au tant plus importante que le miel de Madagascar a été entaché par l’affaire du faux-miel malgache à base de siramamy gasy, mélasse noire de sucre de canne. La filière qui produisait 30 000 tonnes par an dans les années 30 se relève tout doucement : 45 tonnes par an en 2018 et 100 tonnes en 2019. Le miel d’eucalyptus a obtenu une médaille d’argent au Concours des Miels d’ici et d’ailleurs du CARI en 2019. Un engagement prometteur pour valoriser la qualité du travail des nouveaux apiculteurs malgaches.

Des apiculteurs malgaches responsabilisés

Aujourd’hui, près de 500 apiculteurs malgaches travaillent pour la société Ilanga Nature & SSM qui leur fournit les ruches. Le prix d’achat du miel est fixé avec eux. On peut monter jusqu’à 2,5 €/kilo, ce qui assure un revenu juste et stable à la famille des apiculteurs. Olivier parle d’eux comme les « gardiens des ruches et de la forêt ». Ils sont en effet responsabilisés. Ils ont des intérêts, des obligations, des règles à suivre. La société les accompagne tout au long de l’année pour professionnaliser les pratiques apicoles et s’assurer que les règles du jeu sont bien respectées. Dans le cas contraire, l’apiculteur sort de l’organisation. L’entreprise ne fonctionne pas comme une ONG. Son but est lucratif. Responsabiliser les apiculteurs revient à pérenniser la filière et à faire de l’aide au développement d’une autre façon. La société Ilanga Nature & SSM gérait plus de 4500 ruches en 2019 et compte en ajouter 7000 en 2020.


L’arbre debout vaut plus que l’arbre couché

La déforestation est un véritable fléau à Madagascar. Les populations pratiquent traditionnellement la culture sur brulis et produisent du charbon de bois ce qui leur procure un revenu immédiat mais de courte durée. Les feux ne sont pas contrôlés. Au sud-ouest de l’île, dans la région de Fort Dauphin, se trouvent les plantations de Niaouli, une plante mellifère qui produit beaucoup de miel. Le revenu d’une année de production de miel équivaut à des centaines d’hectares de charbon de bois. L’entreprise fait un travail de conscientisation par l’économie.

L’apiculture rapporte 10 fois plus et les revenus sont pérennisés. Olivier Laurent est fier de son modèle de développement qui fonctionne bien : développement économique, protection de la forêt, création d’emplois et éducation. Un ensemble gagnant pour l’environne ment malgache et pour assurer un revenu équitable aux familles d’apiculteurs. L’état malgache en a pris conscience qui a fourni 400 ruches et cherche à développer la filière en accompagnant Ilanga Nature & SSM. Le projet est économique ment viable et produit un ruissellement positif concret. Certes il y a de grandes distances à parcourir sur des pistes difficilement praticables, mais le sud-est de l’île est une riche zone forestière qui permet 4 à 5 récoltes par an et sur les hauts plateaux, les eucalyptus fournissent un miel de qualité.

Ilanga Nature : un pont entre Madagascar et la Belgique


Comme la logistique à Madagascar est à la fois trop coûteuse et trop compliquée, Olivier Laurent a choisi de faire de la Belgique, son pays d’origine, le centre de distribution principal de ses produits vers le marché international (France, Japon, USA, Canada…). Le projet a débuté en 2016 et les agréments ont été obtenus fin 2017. Pour la promotion et la vente en ligne, il dispose d’un site web (www.ilanga-nature.com) géré depuis la Grande Île. Ilanga Nature faci lite les commandes et la livraison des produits de « Senteurs et Saveurs du Monde ». Les perspectives d’avenir ne manquent pas. La société vient d’obtenir sa certification BIO et les miels BIO seront disponibles en Belgique dès le premier trimestre 2020.

Elle travaille encore sur le label équitable, tout en sachant qu’elle l’est déjà depuis le début de cette aventure. Elle se prépare à faire certifier tous ses produits comme naturels biologiques et issus d’un commerce équitable et solidaire. Afin de proposer de nouvelles variétés de miel et d’autres produits, elle compte aussi étendre ses zones d’exploitation à Madagascar. Une énergie positive !