La clothianidine induit un déséquilibre de la flore intestinale chez Apis mellifera

Sonia ERNOULD

La Clothianidine, insecticide de la famille des néonicotinoïdes, induit une dysbiose (déséquilibre) intestinale microbiennechez les abeilles mellifères. C’est ce qu’a présenté S. El Khoury de l̕ Université de Laval, Québec, lors du congrès Apimondia 2019.

Le microbiote correspond à l‘ensemble des micro-organismes qui ont colonisé certaines parties du corps et avec lesquels l’hôte cohabite. Ce sont des bactéries mais aussi des virus, des champignons, des levures et des protozoaires. Il existe un microbiote intestinal par exemple. C’est valable pour les humains. C’est aussi valable pour les abeilles.

Les abeilles affrontent tous les jours une multitude de facteurs de stress qui affectent leur durée de vie, leur santé et leur productivité. La clothianidine agit sur le système nerveux central des insectes, en ciblant plus particulièrement les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, induisant des altérations du comportement, de la mémoire et de l’immunité. La molécule est persistante dans l‘environnement et il est donc urgent et nécessaire de développer des moyens à long terme pour atténuer ses effets toxiques sur la santé de nos abeilles. Nous savons maintenant que, sans le microbiote de l‘intestin (bactéries instestinales), la réponse immunitaire et le comportement sont perturbés.

Objectif 1 : clothianidin in vivo. Qu‘advient-il du microbiome intestinal des abeilles exposées à la clothianidine - variations en fonction de la concentration - variations en fonction de la section intestinale ?


Le premier objectif était d‘identifier les interactions fonctionnelles du microbiote des abeilles affectées par la clothianidine. Des études in vivo ont été menées pour mesurer l’impact de l’exposition à la clothianidine sur la survie des abeilles, leur comportement, la consommation de sirop et l’état d’eubiose/dysbiose du microbiote intestinal. Trois concentrations (0,1 ; 1 et 10 ppb) ont été testées. De manière frappante, la concentration la plus faible (0,1 ppb) a eu l‘impact le plus négatif sur les abeilles, montrant le taux de mortalité le plus élevé par rapport aux groupes expérimentaux de 1 et 10 ppb. De plus, des changements de phénotypes ont été enregistrés dans tous les groupes exposés et des différences de consommation de sirop ont été observées à travers les groupes expérimentaux. Des analyses transcriptomiques (ARN messager) ont ensuite été effectuées pour identifier les souches de microbiote de l‘intestin moyen de l‘abeille touchées en termes d‘activité fonctionnelle par la concentration sublétale de clothianidine.

Ce graphique d‘histogramme suivant (fig. 2) montre la variation des familles de bactéries présentes après 7 jours de traitement en fonction des différentes concentrations (contrôle ; 0,1 ; 1 et 10 ppb) et de la section intestinale (intestin moyen, iléon (grêle) et rectum). Les moyennes ont été faites sur 50 abeilles.


En conclusion de cet objectif, les familles de bactéries sont remodelées en fonction de l’exposition à la clothianidine. Les agents pathogènes comme les bactéries bénéfiques sont en augmentation.

Objectif 2 : clothianidine + Probiotiques in vitro. Comment le microbiote peut-il nous aider à trouver des stratégies alternatives ?

Le deuxième objectif était de sélectionner des candidats probiotiques endogènes (propres à l’abeille) capables de dégrader la clothianidine en métabolites inoffensifs. Il a été observé que les communautés microbiennes endogènes issues du microbiote intestinal de l’abeille amélioraient la résistance de celui-ci contre les bactéries pathogènes et les parasites intracellulaires. L’étude montre que la clothianidine a été complétement dégradée au contact de certains probiotiques.

En conclusion, les chercheurs ont isolé 69 probiotiques susceptibles d’inhiber la clothianidine. La clothianidine a été complètement dégradée par 6 probiotiques endogènes.

Objectif 3 : impact des candidats probiotiques sur les bactéries intestinales des abeilles exposées à la clothianidine ? Protocole : Clothianidine + probiotiques bénéfiques ?

Le troisième objectif était de mesurer dans des conditions in vivo l’effet de certains probiotiques endogènes administrés à des abeilles exposées à la clothianidine afin de déterminer si les souches sélectionnées contribueraient à restaurer les fonctions altérées. Les résultats ont mis en évidence des probiotiques endogènes prometteurs pour développer une formulation probiotique atténuant l‘impact négatif de l‘exposition aux néonicotinoïdes sur les colonies d‘abeilles. Plus spécifiquement, l’administration de l’un des probiotiques (courbe orange) a significativement amélioré le taux de survie des abeilles exposées à la clothianidine par rapport aux abeilles témoins (courbe verte).
L’objectif 3 est toujours en cours d’étude. Les perspectives sont la réalisation d’une analyse transcriptomique afin de voir si les probiotiques aideront à restaurer les propriétés fonctionnelles perturbées de l‘intestin des abeilles.


En conclusion

La clothianidine provoque un déséquilibre intestinale. Il peut être expliquée par une augmentation de la diversité des espèces bactériennes présentes.
Les chercheurs ont mis en évidence des bactéries endogènes capables de dégrader complètement la clothianidine ! L’utilisation de probiotiques endogènes dans la nutrition des abeilles est prometteuse pour diminuer les impacts négatifs des néonicotinoïdes sur les colonies d‘abeilles.