Pour tenter de freiner l’augmentation des décès liés aux cancers, les campagnes de prévention et de dépistage abondent et les efforts menés dans la recherche de traitements curatifs efficaces s’intensifient.
Depuis une dizaine d’années, les scientifiques étudient le potentiel du venin d’abeille comme traitement complémentaire plus naturel et moins agressif que les médicaments de chimiothérapie utilisés actuellement.
Le venin d’abeille est principalement produit par les abeilles ouvrières3. Cette substance complexe composée à plus de 80 % d’eau est caractérisée par divers composés : des protéines, des enzymes, des sucres, des acides aminés et des minéraux4,8,9. Les bienfaits du venin d’abeille en apithérapie sont rapportés depuis des siècles4,5,6,7. Ainsi, la médecine a toujours reconnu les activités anti-in- flammatoires et anti-oxydantes du venin dues à la présence prépondérante d’une protéine : la mélittine6,7,16.
Venin d’abeille et cancer
Dans le domaine de la cancérologie, les oncologues recommandent par- fois la phytothérapie ou l’homéopathie pour soulager les douleurs des patients malades10. Néanmoins, la médecine occi- dentale reste très prudente vis-à-vis des méthodes de traitements alternatives dû au manque de données scientifiques significatives concernant leur effica- cité10,11.
Il en est tout autrement pour la médecine orientale ! À Pékin, une célèbre clinique spécialisée dans l’apipuncturea accueille des dizaines de patients par jour13. Cette méthode traditionnelle est sérieuse- ment considérée comme un traitement omplémentaire à la médecine conven- tionnelle pour alléger les douleurs de patients souffrant d’un cancer12,13.
Le venin contre la résistance des cellules cancéreuses
Constatant le curieux succès du venin d’abeille en Chine, pourrait-on rassem- bler des données scientifiques robustes qui attestent de l’efficacité du venin d’abeille sur le développement des can- cers afin de légitimer et généraliser son utilisation dans la médecine occidentale ? Les scientifiques ont tout intérêt à se pencher sur la question puisqu’ils font face à un problème de taille : l’apparition des résistances.
En effet, ces dernières années ont été marquées par l’utilisation intensive des médicaments de chimiothérapie. Sur le long terme, les cellules cancéreuses deviennent progressivement résistantes face aux médicaments qui deviennent alors bien moins efficaces4,14. Pour limi- ter l’apparition de ces résistances, il faut donc élaborer de nouveaux traitements anti-cancer moins dépendants de la chimiothérapie. L’intérêt des chercheurs se porte ici sur le venin d’abeille : une substance naturelle sollicitée en méde- cine chinoise, largement disponible à travers le monde et moins coûteuse à produire que les produits de chimiothérapie14.
Dès lors, une stratégie de traitement récemment étudiée consiste en l’utilisa- tion combinée du venin d’abeille et d’une dose réduite de médicaments anticancé- reux. C’est ainsi que Duffy et al. (2020) a recherché l’impact de la mélittine pré- alablement isolée du venin d’abeille sur le développement d’une tumeur se com- portant comme le cancer du sein chez des souris.
L’étude rapporte que l’injection intra-tumorale combinant la mélittine et le docé- taxelb induit la mort cellulaire et réduit significativement la prolifération des cellules cancéreuses. Finalement, ces deux effets résultent en une diminution plus importante du volume de la tumeur que la diminution de volume tumoral observée suite à l’injection unique de mélittine ou du médicament (Fig.1). Ces résultats supposent donc qu’un traite- ment alliant la mélittine et un médica- ment moins dosé mène à une plus grande efficacité de réduction de la tumeur tout en limitant sa capacité d’adaptation et par conséquent les risques de dévelop- pement de résistances14.
Mécanismes d’action du venin d’abeille sur les cellules cancéreuses
Le spectre de mécanismes d’inhibition du venin d’abeille et de la mélittine s’étend au-delà de la mort cellulaire et de la réduction de la prolifération des cel- lules cancéreuses (Fig. 2).
Plusieurs études ont mis en lumière l’ac- tion inhibitrice du venin d’abeille sur les processus d’invasion des cellules cancéreuses dans le reste du corps4. Ces cellules appelées métastases détruisent les cellules saines ou induisent l’angioge- nèse soit « la formation de nouveaux capil- laires à partir des vaisseaux existants »4, si bien que ces deux mécanismes distincts permettent la colonisation du cancer dans une nouvelle partie du corps. Les études indiquent que l’injection de venin d’abeille dans les cellules des cancers de la peau, du cerveau ou des poumons inhibe les activités métastasique et angiogénique des cellules malades et
par conséquent la progression du cancer dans les cellules saines4.
Par ailleurs, l’inflammation observée dans le cas de maladies chroniques telles que la sclérose ou les rhumatismes est une réaction déclenchée par les cellules malades qui favorise la prolifération de la maladie4,15. Des études démontrent que la réaction d’inflammation, la prolifération cellulaire et finalement le développement de la maladie sont réduits après un traitement des cellules malades au venin d’abeille. De la même manière, le venin pourrait s’avérer efficace pour combattre l’inflammation déclenchée par le développement de certains can- cers mais cette hypothèse reste encore à vérifier4.
Un parcours prometteur semé d’embûches
Les études récentes incitent à penser que le venin d’abeille pourrait être intégré dans les futurs protocoles de traitement en cancérologie. Mais la plupart de ces études ont été réalisées sur des cellules humaines4 (in-vitro) et l’effet anti-cancer du venin reste à prouver sur des individus malades (in-vivo). L’utilisation médicale du venin d’abeille soulève donc encore des questions : quels sont les risques que le patient développe une allergie après un traitement au venin ? Quelle dose doit être administrée pour assurer une effi- cacité sans danger ? Comment certifier l’activité anti-cancer du venin s’il est méta- bolisé dans le corps humain et éliminé ? C’est avec plein d’espoir que les cher- cheurs s’activent pour trouver les réponses à ces questions afin de mieux comprendre l’action du venin d’abeille sur les cellules cancéreuses. L’avancée des connaissances dans ce domaine permet- tra à l’avenir de mettre en place des nou- veaux traitements efficaces et durables qui limiteront l’impact des cancers sur la santé humaine.
Glossaire :
(a) Injection de venin d’abeille sur des points particuliers du corps
(b) Médicament fréquemment utilisé en chimiothérapie
Ressources :
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2. Cancer Tomorrow, https://gco.iarc.fr/tomorrow/en/dataviz/isotype?types=1&single_unit=500000&-sexes=2.
3. Srabe - Les produits de la ruche, https://www.api-bxl.be/index.php/les-produits-de-la-ruche.
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