Apiculteurs : questions de choix


Marc EYLENBOSCH
Apiculteur depuis 20 ans par plaisir. S’occupe de 15 à 20 colonies dans le Brabant Wallon. Transmet ses connaissances en compagnonnage et au rucher école de la SRABE (Bruxelles). A un profond intérêt pour les plantes mellifères.

Cette année, les floraisons se succèdent à une allure plus rapide que d’habitude et je pense que la récolte d’été se fera vers la fin juin dans ma région. Cela me permettra de bien préparer mes colonies en vue de l’hivernage.

Première priorité : le traitement anti -varroa. L’année passée, j’ai traité un rucher avec le diffuseur d’acide formique et un autre rucher à l’acide oxalique après encagement de la reine en cagette Scalvini. Je n’ai pas noté de différence flagrante quant aux résultats de ces deux traitements, mais j’ai été heureusement surpris du dynamisme de la reprise de ponte avec la méthode Scalvini. Comme j’aurai plus de temps cette année avant l’hivernage, je pense d’autant plus réitérer avec la méthode Scalvini.

Je profite aussi de cette période pour remplacer les reines qui ont été deux saisons dans les ruches de production. J’élève pendant l’été des colonies en ruchettes 6 cadres dans lesquelles je fais naître de nouvelles reines. Ces ruchettes seront réunies aux colonies de production en les superposant avec juste une feuille de papier journal entre les deux colonies. La vieille reine de la colonie de la ruche du dessous est éliminée juste avant la réunion. Après quelques jours, les deux colonies ont fait connaissance, le papier journal a été grignoté et je rassemble les cadres de couvain et les abeilles de la ruchette dans la ruche du dessous. Cela me permet d’avoir de fortes colonies qui passeront bien l’hiver et démarreront mieux au printemps.


Léandre GOYDADIN
Apiculteur professionnel en Haute-Saône avec 300 ruches en production de miel sans transhumance et environ 150 essaims/an. Je travaille beaucoup avec la Buckfast, achat et élevage sur souches sélectionnées, j‘utilise la Dadant 10 cadres (quelques 12 cadres aussi) et les ruchettes sont en 6 cadres. J‘ai encore quelques 5 cadres mais je trouve le volume trop petit pour hiverner.
Accessoirement Youtuber : gOAdee « Une Saison Aux Abeilles »
http://www.unesaisonauxabeilles.com/

La récolte estivale « la dernière » est plutôt précoce dans ma région. Au 14 juillet, il ne reste plus grand chose aux abeilles à butiner. Dès les hausses retirées, je traite contre le varroa avec les lanières ayant une Autorisation de Mise sur le Marché, je retire les cadres à mâles et parfois même immédiatement un vieux cadre pour laisser les colonies sur 8 cadres tout de suite. Parfois c‘est à peine tôt et je décale cette opération au moment du replacement des lanières près du couvain, 6 semaines plus tard. La charge varroa des colonies est évaluée pendant tout l‘automne avec le test au CO2.

Question nourrissement, je n‘attends pas le dernier moment, au contraire : j‘apporte rapidement le sirop aux colonies nécessiteuses. Certaines n‘en ont pas besoin et ne verront pas une goutte de sirop, d‘autres au contraire, voisine et sœur, ne pourront se passer de cet apport. C‘est le cas notamment des essaims en ruchettes 6 cadres. J‘essaie donc rapidement d‘amener les colonies à l’hivernage avec des provisions, le minimum de varroas, une reine en bon état et le nombre d‘abeilles adéquat.


Michel PONCELET
Apiculteur depuis 60 ans. Partisan inconditionnel des divisibles et de la Langstroth-
Simplicity en particulier. S’occupe de deux ruchers d’une quinzaine de colonies pour la production de miel et l’élevage de reines. Membre actif du rucher expérimental Houille-Lesse-Semois. Biologiste. Enseignant et conférencier apicole.

Chez nous en Ardenne, la fin de la miellée d‘été coïncide avec la fin de la floraison des ronces c‘est à dire vers le 15 juillet. Dès lors, il faut se hâter au cours du mois qui suit pour mettre les colonies en situation d‘hivernage (comme elles le seraient si l‘on n‘avait pas prélevé leur miel) et, pour cela :

• Extraire dès que possible : enlever la ou les hausses (corps en divisible) ainsi que la grille à reine. Remettre un corps afin que la colonie hiverne sur deux corps. Si la récolte a été abondante, laisser un corps avec le miel qu‘il contient et compléter les provisions : 22 jours à 24 kg sont nécessaires pour faire la liaison, sans crainte de disette, avec le mois d‘avril.

• Pendant cette période de nourrissage :

  • se débarrasser au maximum des varroas : flashs à l‘acide formique méthode Chapleau (mais chacun sa méthode...) et vérification de l‘efficacité par un comptage rapide des varroas tombés.
  • utiliser les nucléi constitués au mois de mai pour rajeunir les reines, renforcer et reconstituer de très fortes colonies. Vers la mi-août, tout doit être en ordre pour l‘hivernage.

Ces colonies peuvent hiverner tiroir à varroas ouvert et ne craignent ni le froid ni le manque de place en cas de miellée « automnale » ni la disette en fin d‘hiver : la grappe peut jouer au yoyo dans la cheminée constituée par les deux corps avec toujours sa calotte de nourriture comme couvre-chef. Soigner l‘isolation thermique de ce couvre-chef et à l‘année prochaine.
N.B : rendez-vous cependant au mois de décembre pour un traitement d‘hiver.

Addendum au n° 183 A&Cie
...Voici ma façon de procéder qui m‘a permis de faire mon activité professionnelle sans souci :
Il s‘agit de l‘application de l‘esprit du plan Demarée : cela se pratique avec des ruches divisibles (la Simplicity en l‘occurrence ou des divisibles de volume à peu près semblable).
Quand la colonie occupe deux corps entiers (fin avril-1er mai, soit plus ou moins un mois après avoir haussé la colonie) et est sur le point d‘entrer en essaimage, mettre la reine en bas sous grille, placer alors un corps de ruche ne contenant que des cires vierges puis le troisième élément. Huit jours plus tard enlever les éventuelles C.R. de sauveté dans ce troisième élément.
Cette technique consiste en fait à réaliser un essaim intermédiaire dans la ruche elle-même. Cela n‘affaiblit pas la colonie mais freine considérablement l‘essaimage et permet donc une apiculture à distance. Il vous reste à récolter.
Complément d‘information sur : http://www.rucherhls.be


François RONGVAUX
Apiculteur depuis plus de 50 ans. Enseignant et conférencier apicole. Directeur de l’école d’apiculture des Ruchers Sud-Luxembourg. Eleveur de reines Buckfast depuis plus de 20 ans. Co-organisateur de la fête du miel à Saint-Léger. Vice-président de la Fédération d’apiculture de la Province de Luxembourg.

Le suivi des colonies fin juillet et en août est légèrement différent selon qu’il concerne les colonies de production ou les jeunes colonies constituées durant la saison.

Colonies de production

  • 1.Nourrissement éventuel des colonies directement après la récolte afin de suppléer à l’absence ou à la faiblesse de provisions en miel. Il faut se souvenir qu’une colonie doit disposer en permanence d’au moins 7 kg de provisions pour se sentir à l’aise.
  • 2.Vérifier les performances de la colonie au point de vue récolte, et donc de la reine, et prévoir à son remplacement, si nécessaire. Ce remplacement sera automatique pour toute reine ayant assuré deux années de production ou pour toute colonie ayant essaimé.
  • 3.Dès la récolte de miel terminée, procéder au traitement d’été contre varroa.
  • 4.Dans la deuxième quinzaine d’août, réduction du cantonnement par retrait des cadres à réformer : chaque colonie est réduite à 9 ou 10 cadres Dadant.

Jeunes colonies

  • 1.Vérifier la présence de la jeune reine et l’importance de sa ponte.
  • 2.Comme pour les colonies de production, compléter les provisions si elles s’avèrent insuffisantes avant le nourrissement d’automne.
  • 3.Compléter éventuellement le nombre de cadres, avec des cadres bâtis ; il est difficile de faire encore construire des nouveaux cadres, sauf en nourrissant.
  • 4.Traitement contre varroa, si celui-ci n’a pas été effectué lors de la constitution des jeunes colonies, ce qui est préférable pour un développement optimal dès le début de ponte de la jeune reine.

Frédéric CALMANT
Youtuber, bloggeur, amoureux de la nature et apiculteur dans le Condroz hutois. Biochimiste de formation et un peu touche-à-tout, le pragmatisme a sa place dans son apiculture. Outre la production de miel, l’élevage et la constitution d’essaims remportent ses faveurs.
http://blog.exometeofraiture.net /https://www.youtube.com/user/fcalmant

Il faudra continuer la surveillance de l‘essaimage même si, à cette époque de l‘année, l‘attention de l‘apiculteur peut se relâcher quelque peu...
Le suivi de l‘infestation par varroa est une étape primordiale à ce moment-là. Les abeilles d‘hiver seront pondues en fin d‘été-début d‘automne et devront être les plus saines possible ! Un traitement d‘été inefficace ou mal mené engendrera des abeilles d‘hiver trop faibles pour assurer la pérennité de la colonie jusqu‘à la saison suivante. Outre l‘affaiblissement direct provoqué par l‘acarien lui-même, ce sont surtout les viroses associées qui sont le plus à redouter, et elles peuvent être d‘autant plus dangereuses qu‘elles ont été ignorées pendant des années ! Peu importe le traitement utilisé, il faudra s‘assurer de son efficacité en mesurant le niveau d‘infestation avant et après traitement à l‘aide du Varroa-Tester ou par la technique du sucre-glace par exemple. Ma participation au projet Arista Bee Research m‘oblige à faire des comptages réguliers sur mes colonies qui me permettent d‘avoir une bonne approche de la problématique. On remarque alors que les traitements conventionnels sous forme de flashes ou à base de thymol, même répétés au cours du mois d’août, ne suffisent plus à maintenir varroa sous contrôle, surtout si un bel automne permet l‘élevage d‘un couvain abondant. Les traitements de longue durée sont à préférer à cette période mais sont peu disponibles et pas toujours inoffensifs…en attendant mieux, une abeille naturellement résistante !


Jean-Paul DEMONCEAU
A découvert l’apiculture très tôt (20 colonies dès l’adolescence). Elève aujourd’hui une centaine de colonies pour la récolte de miel en transhumance. Pratique une apiculture intensive. Son objectif : un minimum de colonies de production pour une récolte maximale. Président de la section d’apiculture de la Berwinne (Belgique).

Pour chaque rucher je remplis un formulaire reprenant le n° des ruches et dès l‘enlèvement des dernières hausses je fais une estimation des réserves en indiquant pour chacune d‘elles le nombre de litres de sirop à leur administrer.
Au préalable j’ai réorganisé le nid à couvain en plaçant en rives les cadres à écarter le printemps prochain. Une majorité de reines a été remplacée, principalement celles de 2016 ainsi que d‘autres n‘ayant pas donné satisfaction durant cette saison.
Dans un premier temps pour les colonies ayant peu de réserves je donne d‘office 5 litres de sirop et pour les autres 3 litres afin d‘éviter le stress du manque de nourriture et les remettre à l’aise.
Dès la prise de ce premier sirop j‘effectue mon premier traitement contre le varroa pour ensuite donner par étape le reste du nourrissement.


François GODET
Apiculteur inspiré par le respect des abeilles et de leurs besoins. Rucher en reconversion Dadant 10 cadres vers des Warré auto-construites dans la Province de Namur. A foi en la vitalité naturelle des colonies. Apiculteur depuis 2012. Elève une vingtaine de colonies réparties sur 3 ruchers.

La notion de récolte d’été m’interpelle cette année. Depuis plusieurs semaines, nous subissons une météo à yoyo : fortes chaleurs, fortes pluies (nous sommes le 12 juin). Le calendrier de floraisons de cette année me semble bousculé une fois de plus (ex. tilleuls et châtaigniers). Cela se ressent dans la prise de poids de nos ruches. Comme mes ruches sont dans le Condroz, j’ai l’habitude de suivre les balances du CARI à Gesves et à Beauraing : cela fait plusieurs semaines que le poids de ces ruches varie peu (http://www.cari.be/balances/).

Je ne m’inquiète pas pour mon rucher en ruches Warré. Je n’ai pas remarqué de colza dans la zone et je n’ai donc pas encore ôté d’éléments. Les ruches sont sur 5 à 6 éléments, je les ferai hiverner sur 3 éléments voire 4. Par contre, j’ai potentiellement un problème pour les ruches Dadant. J’ai retiré les hausses en raison de la présence d‘un champ de colza et certaines ruches ont peu de réserves de miel dans les hausses laissées. Je vais visiter et vérifier si je ne devrais pas suppléer en leur apportant des cadres de hausses prélevés dans des ruches du même rucher. Je me tracasse moins pour 2 colonies d’abeilles férales qui ont une morphologie d’abeilles noires et qui devraient avoir maintenu une réserve de miel dans le corps de la ruche.
La question du regroupement des colonies m’interpelle fort cette saison car je fais hiverner des colonies assez petites (voir interventions précédentes sur les reines de réforme). Selon les règles classiques, je devrais en rassembler certaines mais je ne me résous pas à le faire (2 colonies à reines réformées ne donneront pas une colonie forte même au printemps). Je continue à faire le pari de leur survie, au risque d’une sélection naturelle.

Je n’introduirai pas de produits médicamenteux dans les ruches mais je travaille à perfectionner les ruptures de ponte, notamment lors de la réforme d’une reine.

Ma préparation à l’hivernage se base entre autres sur deux facteurs qui me semblent important. D’une part les balances du CARI nous indiquent que le poids des ruches trouve son maximum durant la 1ère quinzaine de juillet. Cela signifie qu’à partir de ce moment-là les abeilles consomment plus qu’elles n’emmagasinent. D’autre part une étude récente de l’Université de Hasselt (https://www.lc.cx/mBTd) nous parle de déficit en pollen ce qui est très préoccupant pour la formation de nos abeilles d’hiver. Pour ces raisons, je compte limiter la ponte de la reine dès la mi-juillet afin de réduire la consommation des colonies en miel et surtout pollen et aussi pour essayer que la zone réservée au couvain soit assez rapidement affectée par les abeilles à du stockage de nourriture pour l’hivernage. Afin de décider de la méthode à utiliser, je dois encore parler avec des apiculteurs chevronnés.

Quant aux nourrissements, après estimation des réserves, je complèterai par un apport de sirop contenant un minimum de 10 % de miel. Je réserve pour le nourrissement le miel provenant de hausses peu operculées. Je prépare une décoction avec ortie, tanaisie et lavande, j’y ajoute de l’huile essentielle de thym et la quantité de sucre requise.