FICHE PLANTES : La Pollinisation des cultures fruitières dans les zones tropicales

Agnès FAYET

L’avocatier

De nombreuses plantes sous les tropiques ont besoin d’être pollinisées par des animaux endémiques spécialisés : insectes, oiseaux et chauve-souris. Les pollinisateurs indigènes jouent un rôle fécondateur indispensable. La plupart des champs cultivés sont toutefois pollinisés par des pollinisateurs généralistes : abeilles sans dard, mellipones, et des abeilles mellifères (Apis mellifera) introduites dans de nombreux secteurs géographiques. C’est le cas pour la première production que nous allons présenter : l’avocatier.

L’avocat est un fruit tropical du continent américain qui a été découvert après le premier voyage de Christophe Colomb au nouveau monde. L’avocatier est un arbre des forêts tropicales humides dont la zone géographique originelle s’étend des montagnes centrales et occidentales du Mexique jusqu’aux côtes pacifiques d’Amérique centrale. C’est une espèce d’arbre de la famille des lauracées. La production mondiale d’avocats représente 5,1 millions de tonnes par an (2014). Le Mexique est le premier producteur mondial mais on cultive ce fruit hors de sa zone d’origine : en Californie, en Espagne, en Israël et sur le continent africain par exemple. Près de 900 variétés différentes existent même si l’on rencontre surtout deux d’entre elles sur les marchés occidentaux (l’avocat « Fuerte » à la peau lisse et l’avocat « Hass » à la peau bosselée).

La fleur

L’avocatier est dichogame (forme d’hermaphrodisme pour laquelle la détermination des caractères sexuels mâles et femelles sont différés dans le temps). Particularité des fleurs, elles s’ouvrent deux fois, en tant que fleurs femelles puis en tant que fleurs mâles. Les fleurs de l’avocatier, de couleur jaune-vert de 5 à 10 mm, n’ont pas de pétales mais 6 sépales organisés en 2 volutes. Il s’agit plus exactement d’inflorescences faites de panicules de 15 à 70 fleurs. Elles disposent de 12 étamines. 9 d’entre elles sont organisées en 3 fois 3 volutes. Les trois autres, centrales, sont plus larges et chacune d’elles a deux nectaires à la base. Chaque étamine a quatre anthères qui se déforment en petits rabats articulés. Des staminodes entourent immédiatement le style qui est court avec un stigmate simple.

Les fleurs ont à la fois des organes reproducteurs mâles et femelles. Elles sont regroupées en panicules de 200 à 300 près de l’extrémité des branches. Parmi toutes les grappes florales que porte un arbre, environ 5 % sont stériles. De ce fait, malgré la multitude des fleurs, un à trois fruits seulement se développent à partir de ces panicules. Il existe des variétés de type A (cultivars protogynes) dont les fleurs femelles sont réceptives au pollen le matin tandis que les fleurs mâles libèrent du pollen dans l’après-midi. Il existe aussi des variétés de type B (cultivars protandres) dont les fleurs femelles sont, à l’inverse, réceptives au pollen dans l’après-midi tandis que les fleurs mâles libèrent du pollen le matin. Cela signifie que le rendement maximal de fruits a lieu lorsqu’il y a pollinisation croisée des deux types d’arbres, A et B.

A. Fleur d’avocatier en phase « fleur femelle » (stigmate réceptif)
B. Fleur d’avocatier en phase « fleur mâle » (anthères déhiscentes)
D’après Mc Gregor

Variétés de type A :

  • Hass
  • Pinkerton
  • Gwen
  • Coron

Variétés de type B :

  • Fuerte
  • Bacon
  • Zutano

Il faut ensuite que les deux variétés d’avocat fleurissent en même temps et que des pollinisateurs aident à la pollinisation. Des températures diurnes trop froides, des vents trop forts et trop d’humidité ne conviennent pas aux pollinisateurs et affectent leur nombre et le taux de visite. Des températures nocturnes fraîches sont cependant nécessaires pour la floraison. L’équilibre est délicat. Par ailleurs, certains cultivars fleurissent annuellement mais donnent des fruits tous les deux ans. Certaines variétés ont été sélectionnées pour leur rusticité et leur capacité à résister à de faibles gels. Cela permet de les cultiver dans le sud de l’Europe (Corse, Italie, Espagne). La floraison de l’avocatier est longue (plusieurs mois) et l’apport en pollinisateurs va avoir tendance à raccourcir cette période.

Pollinisation

Même si de nombreuses variétés d’avocatiers sont capables d’auto-pollinisation, la pollinisation croisée est préférable pour assurer une bonne pollinisation. Il est conseillé de planter un type A et un type B en intercalant les rangs d’une quinzaine de mètres. Les agents pollinisateurs sont divers : différentes espèces d’apoïdes, des guêpes, des mouches, des colibris et Apis mellifera. Un facteur de réduction de la production peut être dû au fait que des apoïdes visitent les fleurs d’une même espèce s’ouvrant l’après-midi par exemple ou qu’une colonie d’abeilles mellifères se concentre sur un seul arbre. Ces deux cas limitent la pollinisation croisée. Il est quand même observé que les butineuses d’Apis mellifera sont fidèles à un même arbre au moins 48h., intéressées indifféremment par le pollen des deux types de fleurs. Du fait de la longue période de floraison des arbres, la probabilité d’une bonne pollinisation croisée est cependant élevée.
La qualité de la pollinisation est également fortement influencée par la présence ou l’absence de ressources attractives pour les colonies (citronniers par exemple). Dans de bonnes conditions, avec 2 colonies par hectare, les avocatiers peuvent produire, selon les variétés, jusqu’à 788 fruits de 26 grammes par arbre pour seulement 277 fruits de 27 grammes en leur absence.

Références :

  • Clark, O. I.(1923). Avocado pollination and bees. California Avocado Association Annual Report, 8, 57-62.
  • Free, J. B.(1993). Insect pollination of crops (No. Ed. 2). Academic press. p. 240-243.
  • Lesley, J. W., & Bringhurst, R. S.(1951). Environmental conditions affecting pollination of avocados. California Avocado Society Yearbook, 35, 169-173.
  • Pesson, P., & Louveaux, J. (1984). Pollinisation et productions végétales. Quae.