VOYAGE 6 : Points forts de la montagne slovaque

Etienne BRUNEAU

Au cœur de la zone montagneuse de Slovaquie, nous avons rencontré un apiculteur et visité l’institut d’apiculture slovaque. Voici ce que nous pouvons en rapporter.

Martin Pioverchi
Martin Pioverchi

Martin Pioverchi, maire de la commune d’Hybe, dispose d’une belle exploitation apicole avec une centaine de ruches situées à l’entrée de sa commune, à 680 m d’altitude entre deux massifs montagneux. Le long du chemin d’accès, on trouve déjà une série de panneaux didactiques sur les abeilles. Ses ruches sont réparties entre un vieux rucher roulotte utilisé princialement pour l’élevage et un rucher extérieur important à l’avant de sa maison où les ruches sont alignées. Comme chaque apiculteur, il produit du miel mais il est également éleveur de reines et il récolte du pollen. Il dispose d’une grande salle dans laquelle il peut donner des cours d’apiculture. C’est là qu’il nous a présenté son année apicole.


De décembre à février l’épaisseur de neige peut atteindre 30 cm et la température peut descendre à – 20°C certaines années. La saison débute normalement en mars et ses colonies carnica carpatica sont sur 10 cadres. Il posera des cires gaufrées en avril. L’élevage de reines débute en mai. Au 14e jour, il déplace les cellules royales dans une banque à reines. Les jeunes reines sont introduites dans des Apidea avec une tasse d’abeilles et du miel. Il les laisse ensuite 48 h en cave. Par la suite, il introduit la reine fécondée en ruche partitionnée sur trois cadres dont 1 qui est à bâtir. Il produit ainsi 200 reines par an. Les unités de fécondation sont utilisées deux fois sur la saison. Pour l’introduction des reines, il met la jeune reine en cagette plastique ouverte mais s’il voit un comportement agressif des abeilles, il met du candi pendant un à trois jours avant de la libérer. L’introduction se fait en pleine journée et si possible en période de miellée. Si ce n’est pas le cas, il nourrit la colonie sans cela, pas l’acceptation est compromise.
La récolte de miel se fait en juillet. En août, il récolte de la propolis avec des grilles et il place ses nourrisseurs de 2 à 3 litres (18 kg de nourriture). Le traitement contre les varroas se fait en octobre avec de l’Avartin (amitraz en fumigation). Le ticket est déposé sur un plateau métallique et la ruche est fermée pendant 1 heure. Comme à cette période, il y a encore 2 à 3 cadres de couvain, il réalise un contrôle après 1 heure et après 12 heure. Ce traitement est répété 3 fois à 10 jours d’intervalle. D’autres apiculteurs utilisent de l’acide formique. La méthode est plus naturelle et aussi bonne, mais il ne faut pas que les abeilles soient en grappe. En novembre, ces dernières années, la reine a continué à pondre alors qu’auparavant, il y avait de la neige. Il retire de l’isolation pour pousser les colonies à entrer en hivernage. Normalement la carnica débute la saison de façon précoce mais elle s’arrête tôt.
Sa production normale est de 1,9 tonne de miel. Il produit son pollen d’avril à juin avec des trappes intégrées au plancher.

Nous le remercions pour son accueil chaleureux.


National Agricultural and Food Centre Research Institute for Animal Production Nitra NPPC

Liptovský Hrádok
Liptovský Hrádok

L’institut d’apiculture de Liptovský Hrádok est le seul en Slovaquie. Il est géré depuis peu par Pavel Kantik qui nous a présenté les activités de son institut. A côté de sa mission de préserver le patrimoine génétique de l‘espèce indigène Apis mellifera carnica de type carpatica en Slovaquie, il est chargé d’une série de tâches parfois plus administratives.



Les chercheurs réalisent des études sur les abeilles carnica basées sur leurs caractéristiques morphologiques (nombre de crochets par aile, longueur des poils du 5e tergite, longueur de la langue, couleur, indice cubital…) mais également sur base d’analyses génétiques de l’ADN. Ils suivent ainsi les différents éleveurs de carnica. Ils ont commencé récemment à rechercher le caractère VSH sur leurs lignées. Ils utilisent l’insémination pour améliorer leur travail de sélection.
Ils ont étudié de façon assez théorique l’impact des pesticides sur les abeilles mellifères et sur les solitaires et autres insectes auxiliaires.
Au laboratoire, ils ont mis en place des tests larvaires en étuve (87 % HR pour les larves d’abeilles - 65 % HR pour les cellules royales en bigoudis et 34,5°C) conformément à la technique développée par Aupinel. Pour ces tests, ils ont besoin de gelée royale produite dans des conditions naturelles. La qualité de la gelée royale est essentielle pour les élevages in vitro. Ils ont testé avec cette technique certains pesticides et des acaricides dont l’acide oxalique. Une concentration à 2,4% de ce dernier a provoqué une mortalité de 50 % du couvain ouvert. Nous avons eu l’occasion de voir leur élevage in vitro qui a fasciné les participants du voyage.



Ils ont aussi testé l’impact de la cire d’abeille sur le développement du couvain et ont suivi les abeilles jusqu’à 15 jours après leur naissance.



Ils ont enfin travaillé sur la pollinisation en comparant l’impact des abeilles mellifère (butineuses à pollen ou à nectar) sur les abeilles solitaires et les bourdons.

A côté de cette mission de recherche appliquée, ils ont une mission d’enseignement. 700 assistants apicoles reçoivent une formation tous les ans. Les 1.000 assistants du pays ont pour mission de visiter tous les ruchers du pays (18 ruchers par assistant). Ils traitent les colonies pour les apiculteur pour 1€/colonie.

L’institut s’occupe également du recensement des colonies pour la Commission européenne. Il a été ainsi constaté une baisse du nombre de ruches depuis 2011 où il en était dénombré 358.000, pour 278.000 en 2018. Le nombre d’apiculteurs a quant à lui augmenté, en passant de 16.996 à 18.468 sur la même période. Les ruchers les plus courants compte de 6 à 20 colonies (8.434 apiculteurs). Par contre on ne compte que 180 ruchers de 100 à 150 ruches et 8 de plus de 150 ruches. Ils analysent également les différentes raisons de pertes de colonies (famine, maladies, perte de reines, destruction, accident naturels (inondations…). Les pertes hivernales en 2017-2018 n’étaient que de 10 %. Le recensement se fait avec la collaboration de vétérinaires et d’assistants apicoles. Ils ne demandent pas la localisation précise des ruches. Chaque rucher a une fiche administrative et l’apiculteur ne déclare que les modifications survenues au fur et à mesure de la saison.

Ils gèrent également des projets de développement apicole ce qui explique la présence de nouveaux matériels de récolte (pollen…) dans leur Institut.


Suite à la visite de l’Institut d’Apiculture, nous nous sommes rendu chez l’ancien responsable du centre qui dispose d’un rucher couvert (type roulotte) et de quelques ruches en extérieur. Cet homme très dynamique a encore changé son modèle de ruche à 60 ans. Il récolte normalement 1,4 tonnes pour 49 ruches ce qui est très bien pour l’endroit.

Un tout grand merci à tous pour l’accueil chaleureux que nous avons reçu.