Slovaquie, Pologne la diversité européenne

Etienne BRUNEAU

Notre voyage annuel nous a conduit en Slovaquie et dans le sud-est de la Pologne. Le contraste est important entre ces deux pays et nous y retournerons certainement. Notre voyage nous a amené à voir des choses vraiment différentes tout en restant toujours apicoles. Nous avons ainsi visité des exploitations , des musées, une école, un producteur d’hydromel, un fabricant de matériel… La carte ici vous permet de visionner notre périple en boucle au départ de Cracovie en passant par la capitale slovaque Bratislava.

Dans ce premier article, nous allons tenter de vous rendre une idée des contrées que nous avons traversées qui vont influencer directement l’évolution de l’apiculture slovaque.


Vers la croissance ?

La République slovaque est récente. Elle a été créée en 1993, date de la dissolution du gouvernement fédéral de la Tchécoslovaquie. C’est un pays un peu plus grand que la Belgique avec 49.035 km2, mais nettement moins peuplé avec 5.446.000 habitants. Il est vrai qu’une part importante du pays est recouverte de collines et de montagnes. La chaîne des Carpates s’étend sur la moitié nord du pays avec les hauts sommets des Tatras (sommet à 2.655 m). La République slovaque partage des frontières avec la République tchèque, l‘Autriche, la Pologne, la Hongrie et l‘Ukraine.
Membre de l‘Union européenne et de la zone euro, ce jeune pays a une identité assez forte et une culture ancrée dans la tradition populaire.

La Slovaquie est réputée pour sa biodiversité et en constitue l‘un des joyaux européens. Ses 9 parcs nationaux, 14 zones paysagères protégées et un réseau de « petites zones protégées » (sites protégés, réserves naturelles et monuments naturels) représentent près de 15 % du territoire. C’est un de ses principaux atouts touristiques.

Près de 41 % du territoire est occupé par des forêts constituées par 40 % de conifères (épicéa, pin, sapin argenté, mélèze…) qui vont permettre aux apiculteurs de récolter des miels de miellat, et 60 % de feuillus, principalement des hêtres, puis des chênes, des érables… Pour le côté mellifère, ils ont 1,7 % de robiniers et 0,4 % de tilleuls. Près de 48 % des zones forestières sont reprises sous le statut de Natura 2000. Pourtant, les forêts ont connu une gestion assez intensive par de nombreuses coupes ces dernières années avec un impact négatif sur la biodiversité.

Du point de vue agricole, la situation nous semble plus inquiétante. Les surfaces représentent 39 % du territoire avec des cultures surtout situées dans le sud et l’ouest du pays (plaine de Bratislava). En 2014, les surfaces agricoles se répartissaient comme suit : 1.900.000 ha de terres agricoles (1.308.000 en B) ; les cultures dominent avec 1.363.000 ha (800.000 en B) dont près de 20 % en cultures industrielles presque exclusivement des oléagineux (moins de 5 % en B) et 20 % de cultures fourragères (30 % en B). 91 % de la surface agricole utile est gérée par des exploitations de plus de 100 ha. Ces grosses exploitations, souvent détenues par des compagnies étrangères, sont en augmentation constante au détriment des petits agriculteurs et cela, malgré l’essai de régulation par l’État. De 2007 à 2010, le nombre d’exploitations avec un chiffre d’affaire de plus d’un demi million d’euros a eu une croissance de 52,2 %. L’emploi dans le secteur agricole a quant à lui chuté de 73 % en 20 ans (1995-2014).
Même si par le passé, dans le système socialiste, le parcellaire était déjà important, aujourd’hui, on trouve de nombreuses parcelles avec plus de 100 ha d’un seul tenant. C’est vraiment impressionnant. On a l’occasion de voir du colza ou du tournesol à perte de vue lors de la floraison (En 2015 : 119.000 ha de Colza et 75.000 ha de tournesol pour 11.000 ha de colza en Belgique). Il est impossible de répondre à une telle demande de pollinisation. De plus on sait très bien que, plus la taille des parcelles augmente, plus la biodiversité diminue. Ils sont confrontés à un modèle d’intensification croissante.
Autre fait inquiétant : le développement de bio-fuel au départ d’oléagineux (surtout le colza). Il faudrait analyser la gestion phyto-sanitaire de ces cultures afin de vérifier si elle n’est pas plus à risque pour les pollinisateurs que celle des cultures où l’huile est destinée à la consommation humaine. Leur carburant est systématiquement additionné d’un faible pourcentage de bio-fuel. Pourtant, leur production est pratiquement entièrement exportée vers d’autres pays dont l’Allemagne.
Certaines de ces entreprises n’ont pas hésité à planter des cultures génétiquement modifiées de 2006 à 2016 (max 1930 ha) principalement pour la production de bio-gaz. Aujourd’hui, le marché n’est heureusement plus attractif.
Ces zones de grandes cultures, jusqu‘à il y a peu, le grenier à miel de la Slovaquie, sont aujourd’hui fuies par les apiculteurs suite à des pertes répétées de colonies ces dernières années.

L’élevage, lui, est en régression importante expliquant le passage de près de 10 % des prairies en cultures. Elles représentent aujourd’hui encore plus d’un quart de la surface agricole avec 518.000 ha de prairies (487.000 en Belgique). Dans de nombreux endroits, l’intensification est également présente avec ses fauches avant floraison… ce qui fait perdre une partie non négligeable du potentiel apicole.

Vous l’aurez compris, même si ce pays présente des ressources apicoles énormes avec le développement de ses cultures d’oléagineux et ses zones naturelles, pour les abeilles et les apiculteurs, la vie n’est pas toujours facile et a évolué très vite en peu d‘années.