VOYAGE 1 : Tradition et efficacité à la polonaise à la polonaise

Etienne BRUNEAU

Notre voyage de cet été nous a conduit dans les quatre régions ouest du pays : Lubusz (Lubuskie), Poméranie occidentale (Zachodniopomorskie), Grande Pologne (Wielkopolskie) et Basse Silésie (Dolnoslakie). Mais avant de vous relater les informations spécifiques récoltées durant ce voyage qui nous a fait découvrir 8 exploitations apicoles, deux musées et deux arboretum (voir carte), il nous a semblé intéressant de positionner les régions visitées et les apiculteurs qui nous ont accueillis par rapport à la situation relevée dans le récent rapport de 2017 sur l’ensemble de la Pologne réalisé par Piotr Semkiw de l’Institut d’Horticulture de Puławy.

La Pologne est un grand pays (312.679 km2, soit ± 50 % de la France et plus de dix fois la Belgique) avec une forte tradition apicole. Ce n’est pas notre premier voyage en Pologne car l’an dernier, nous avions déjà visité les firmes Lyson et Bartnik situées dans le sud du pays et en 2005, à l’est du pays, nous avions rencontré de nombreux éleveurs de reines et visité leur institut apicole et leur école. Ce voyage nous a permis de rencontrer plusieurs apiculteurs importants et des responsables provinciaux du syndicat apicole polonais.


Nombre de ruches

Sur base des données vétérinaires, il existe environ 1,55 millions de colonies en Pologne. La région la plus apicole est celle de Lublin (12,3 % du cheptel national) à l’Est. Près de 500.000 colonies se retrouvent dans des ruchers de moins de 20 ruches et plus de 200.000 sont détenues par des exploitations apicoles de plus de 80 ruches.

Structure des ruchers (nombre de colonies par catégorie)
Structure des ruchers (nombre de colonies par catégorie)

Densité des colonies

On compte en moyenne 5 colonies/km2 mais cette densité varie fortement en fonction des régions (de 2 à 8,5 ruches/km2) et cela vient naturellement de la qualité de l’environnement mellifère mais également de la tradition apicole locale. Excepté pour la Basse Silésie qui est au-dessus de la moyenne de densité, les autres provinces sont en dessous.
La carte ci-contre indique le nombre de colonies/km2 par région.

Nombre de colonies/km2
Nombre de colonies/km2

Nombre et importance des apiculteurs

70.311 apiculteurs sont recensés officiellement. Les apiculteurs avec moins de 20 ruches sont plus de 46.000 et ils ne sont que 1.400 a avoir plus de 80 ruches et 335 « professionnels » (0,5 %) détiennent plus de 150 ruches (seuil considéré comme plus professionnel par la Commission), avec une moyenne de 265 ruches, ce qui représente 89.000 ruches ou 5,7 % du total des ruches polonaises. La majorité des apiculteurs que nous avons rencontré appartiennent à cette dernière catégorie.
La moyenne d’âge des apiculteurs est liée à la taille des ruchers. Ainsi, plus les ruchers seront petits et plus on retrouvera à leurs tête des apiculteurs de plus de 65 ans. Le niveau de professionnalisation est principalement lié à la classe d’âge 51-65 ans.

Pourcentage de ruchers et de ruches repris dans chaque catégorie d'importance des ruchers
Pourcentage de ruchers et de ruches repris dans chaque catégorie d’importance des ruchers

Production de miel

En 2017, la production totale de miel s‘est élevée à près de 15.200 tonnes. La production obtenue est différenciée entre les apiculteurs amateurs et les apiculteurs à profil économique : elle est de 13,5 kg/ colonie pour les premiers pour environ 23 kg pour les seconds.

Production de miel - <p>* Evaluation tenant compte des mortalités hivernales et durant la saison<br class='autobr' />
** Reprend les données d'une association nationale</p>
Production de miel
* Evaluation tenant compte des mortalités hivernales et durant la saison
** Reprend les données d’une association nationale

Les grandes miellées

La flore dans cette partie de la Pologne est en grande partie similaire à notre flore et les miellées principales sont bien connues de nos apiculteurs. Il existe cependant plus de type de miels monofloraux. C’est entre autre lié, dans les zones que nous avons visitées, aux grandes surfaces des anciens PGR (kolkhozes polonais) de plus de 1.000 ha. On y retrouve ainsi de vastes étendues de colza, de sarrasin, de céréales… Dans d’autres régions, les parcelles sont beaucoup plus petites (<10 ha). Les robiniers et tilleuls sont recherchés par les apiculteurs, ainsi que les zones de bruyères callunes. Certaines plantes, comme les pissenlits, les bleuets ou les verges d’or (invasives) assurent également des miellées. A côté de cela on retrouve naturellement les miels toutes fleurs avec leur base de flore de printemps et d’été. Restent enfin les miellats produits dans des zones bien spécifiques. Il est malheureux de voir que les grandes surfaces de pins de l’ouest de la Pologne ne produisent aucun miellat.

Les associations apicoles

L’apiculture est structurée par provinces avec un regroupement au niveau du pays dans le PZP (Polski Zwia¸zek Pszczelarski). L’origine du mouvement associatif date de 1852 et l’association a évidemment évolué avec les nombreuses modifications vécues par la Pologne depuis ce moment. Près des deux-tiers des apiculteurs (46.000) appartiennent au syndicat apicole aujourd’hui et ils détiennent 1,32 million de ruches. Ce syndicat nous a grandement aidé dans l’organisation de notre voyage.


Coûts de production

L’étude réalisée sur le marché polonais sépare les coûts de production de l’apiculteur amateur et ceux de l’apiculteur à profil économique. Les charges fixes reprises sont l’amortissement du matériel et des infrastructures (économiques) et les charges variables sont liées au nourrissement, à l’achat de matériel biologique, aux médicaments, aux transport, au travail… Ils arrivent ainsi à une charge de 276 zlotys et de 340 zlotys respectivement pour les amateurs et les apiculteurs à profil économique. Comme la production à la ruche est plus élevée pour les seconds, cela nous donne, remis au kilo de miel, les montants de 20,4 zlotys et 14,8 zlotys ce qui correspond grossièrement à 4,7 et 3,4€ pour les petits et pour les gros.

Marché

Le marché polonais est déficitaire en miel et ses exportations (14.700 t.), orientées principalement vers la France (pour 2.700 t.) et l’Allemagne (pour environ 2.000 t.) , sont inférieures à ses importations (24.400 t), en provenance principalement d’Ukraine (± 9.000 t.) et de Chine (± 5.000 t.). Les prix à l’exportation sont bas ±2,25€/kg et les prix à l’importation encore plus : 1,89€/kg (prix 2016).

Pertes de colonies

La Pologne ne semble pas échapper aux pertes de colonies. Dans le rapport de 2017, il est enregistré une perte à l’hivernage d’environ 25 % des colonies (de 3 à 60 %). La moyenne provinciale peut tourner autour des 30 % dans certaines provinces (Lubuskie, Małopolskie, Dolno‘sla¸skie, Opolskie, Pomorskie et Lubelskie). On compte près de 10 % d’intoxications aiguës. Malgré ces pertes importantes de colonies, le cheptel global est en augmentation dans le pays (3,2 % en 2017).

Climat

La partie de Pologne que nous avons visité est relativement plus froide que la Belgique. Voici à titre indicatif les moyennes de températures et de précipitations enregistrées à Wroclaw.


Une différence de 57 mm dans les précipitations est enregistrée entre le mois le plus sec et le mois le plus humide. Sur l‘année, la température varie de 19.8 °C. Le tableau climatique pour la ville de Poznam est pratiquement similaire, avec une température très légèrement supérieure en juillet et un peu moins de précipitations.
Globalement, la Pologne est très sensible à la sécheresse et les sécheresses se sont multipliées au cours de ces dix dernières années. Lors de notre passage cet été, les apiculteurs se plaignaient beaucoup de ce phénomène. Tout était très sec lors.


Bibliographie :
Réf. : Piotr Semkiw, Sektor pszczelarski w Polsce w 2017 roku - Instytut Ogrodnictwa Zakład Pszczelnictwa w Puławach - 12p

Site :
https://fr.climate-data.org/europe/pologne/basse-silesie/wroclaw-4531/#climate-graph