FICHE : La durabilité économique

Agnès FAYET

Pour être durable, l’activité apicole doit au minimum être rentable. C’est un préalable. À cela s’ajoutent des critères qui prennent en compte la stabilité et l’autonomie économique ainsi que la notion de satisfaction à exercer l’activité, ce qui peut être considéré comme un avantage en nature.

La juste correspondance entre le revenu réel et les attentes de l’apiculteur


Il est difficile de fixer dans l’absolu la question de la juste correspondance entre le revenu réel et les attentes de l’apiculteur. Le revenu réel est le revenu individuel ajusté en tenant compte de l’inflation. Il est calculé en divisant le revenu nominal (salaire horaire) par l’indice de niveau des prix. La juste correspondance entre revenu réel et attentes individuelles dépend beaucoup du type de pratique apicole, des besoins exprimés par l’apiculteur et du contexte économique dans lequel il évolue. Dans les pays à économie faible, l’apiculture est une activité exigeant de faibles investissements qui permet de procurer des revenus substantiels aux apiculteurs tout en renforçant la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations rurales. Ce n’est pas la même chose dans les pays à économie forte où les apiculteurs sont soumis à des charges, aux aléas climatiques et à une concurrence internationale.

L’équilibre entre le revenu de l’apiculteur et le temps passé au travail

La durée de la journée de travail, le degré d’intensité du travail et le rapport entre la charge de travail et les congés sont des paramètres qui peuvent aussi intervenir dans l’analyse globale de la situation. Ils forment ce qu’on peut appeler des indicateurs de bien-être. L’équilibre de l’apiculteur tiendra compte de la combinaison revenu, travail, loisir intégrant la contrainte budgétaire. Cet équilibre est fluctuant en fonction de l’année et évolue en fonction de la charge de travail imposée par la saison apicole et les diverses activités de récolte et d’élevage, certaines pouvant être perçues plus contraignantes que d’autres (transhumance, élevage de reines, production de gelée royale…).

L’efficacité, la stabilité et l’autonomie économique


Dans les critères de durabilité économique, il faut intégrer la capacité de l’apiculteur à faire face aux variations des prix, à la diversité des produits, à la diversité des points de vente ainsi que ses capacités d’autofinancement et d’investissement, sa gestion des risques (sécurité, santé) et sa manière de rationaliser les débouchés commerciaux (circuits courts, etc.). Des outils existent qui proposent un diagnostic précis de durabilité dans le contexte agricole plus généralement. Ils permettent d’aboutir à des diagrammes radar qui mettent en avant les forces et les faiblesses du projet apicole du point de vue de la durabilité. Il est possible de partir d’un modèle de diagnostic de durabilité étudié pour l’agriculture et de l’adapter aux spécificités de l’apiculture (RISE – Agriculture Paysanne - Arbre - Motifs1 - IDEA2 - MASC - Réseau d’Agriculture Durable). Les 3 volets de la durabilité (environnemental - social - économique), et pas seulement la dimension économique, sont intégrés dans les outils de diagnostic. La partie économique est assez fine et nécessite de disposer d’une bonne comptabilité et de sérieuses notions comptables. Du point de vue économique, plusieurs critères sont pris en compte :
1. L’efficacité économique du système de production.

2. L’autonomie économique qui traduit la dépendance de l’apiculteur du point de vue des achats extérieurs (charges fixes). Elle est généralement plutôt bonne dans le cadre d’une production apicole.

3. L’autonomie financière qui se calcule en faisant le rapport entre les capitaux propres et l’ensemble des dettes contractées auprès des établissements bancaires.

4. L’efficacité ou productivité du capital mobilisé dans la production. On distingue « capital fixe » (ensemble des investissements en biens de production : machines, moyen de transport, miellerie…) et « capital circulant » (consommations intermédiaires : matières premières, fournitures, services, énergie...). La productivité du capital mesure l‘efficacité du capital fixe mobilisé dans la production. C’est le rapport entre la valeur ajoutée (production vendue ou stockée une fois retranchées les consommations intermédiaires) et la valeur du capital fixe engagé. Ce critère traduit la capacité de l’apiculteur à dégager des résultats pour rémunérer le travail à partir du capital engagé.


5. La rémunération du travail c’est-à-dire le taux de rendement d‘un bien en capital (le montant des revenus de placement divisé par le montant investi) que l’apiculteur peut espérer retirer durant l’utilisation ou la vente de sa production. Ce critère traduit la part de la richesse créée (valeur ajoutée) et des aides allouées au travail plutôt qu’à l’outil de production.

6. La vulnérabilité commerciale qui se mesure grâce au taux de spécialisation (degré́ de spécialisation de l’activité́ apicole et donc de sa sensibilité́ à la conjoncture) et grâce à l’évaluation de la diversification des débouchés (dépendance de l’exploitation apicole par rapport à ses débouchés).

7. La sensibilité aux aides qui traduit la part des aides dans le résultat qui reste pour rémunérer le travail et garder une marge de sécurité́.
Nous complèterons en développant dans la prochaine fiche les paramètres sociaux d’une apiculture durable.