L‘autre moitié du ciel Spermatozoïdes ailés... sous-estimés... incompris...

Giacomo Acerbi - Traduction : Etienne BRUNEAU

Les bourdons jouent un rôle crucial pour le bien-être, les performances, la survie, la reproduction du superorganisme présent dans la ruche : des mâles élevés correctement, en pleine santé reproductive, une progéniture robuste et vitale, sont les composantes essentielles de l‘avenir de la colonie. Voici un résumé des aspects qui peuvent ou non déterminer la santé et la qualité des faux-bourdons, sur les nouvelles connaissances importantes et sur les pièges récents pour ce chaînon harmonieux essentiel dans le cycle de vie complexe de la ruche.

L‘humanité est en interelation avec les abeilles depuis l‘aube des temps. Elle a conditionné de façon importante et diverse leur cycle de vie. Elle a étendu leur présence sur le territoire. Pourtant, pendant des milliers et des milliers d‘années, l‘homme n‘a rien compris ou presque des abeilles et de leur cycle de vie ! Par ailleurs dans notre histoire, la compréhension des « merveilles et mystères » de la nature progresse plus facilement avec des phénomènes perceptibles, et encore mieux s’ils sont visibles à l‘œil nu. Depuis des millénaires, très peu d‘hommes ont été capables de comprendre l‘invisible, les nombreuses formes vitales indispensables qui sont trop petites pour être observables.

Les abeilles, donc, en plus d‘être petites et d‘avoir un cycle vital caché dans leur colonie d’origine, sont, parmi toutes les espèces vivantes élevées, l‘une des plus éloignées et fondamentalement différentes du monde des humains. C’est lors de l‘invention de la ruche à cadres mobiles et dès que nous avons pu commencer à les observer - enfin ! - et à comprendre quelque chose que nous (avec notre présomption habituelle !) pensions avoir totalement compris ! Mais ces premières « explications » simplistes et primitives de phénomènes de base ont ouvert le coffre aux trésors des mystères de la ruche. Combien d‘entre nous ont été formés sur des manuels qui propageaient la « vérité scientifique » pour laquelle la
colonie était gouvernée par la seule phéromone royale ?

Curieusement, alors que presque toutes les civilisations humaines ont reposé sur la subordination rigide de la femme à l‘homme, avec les abeilles, au contraire, l’abeille mâle n‘a été valorisée que par rapport à la reine et à l‘acte reproducteur. Une image d‘inutilité substantielle du faux-bourdon a même été construite et transmise avec même le développement de pratiques, de procédures et d‘instruments de « technique moderne d‘apiculture » pour faire ressortir les différences de sa ponte, de son élevage, voire même de sa survie dans la ruche. Je propose au contraire que le mâle soit considéré bien autrement.


Pages de « Bee-Master à Charles II », livre imprimé en 1679 par Moses Rusden.
Il comprend de nombreuses descriptions de la colonie d‘abeilles, proposée comme un exemple de monarchie parfaite en harmonie avec son « Roi », et d‘obéissance pertinente à Charles II. Ce n‘est qu‘à partir du XIXe siècle que s‘est répandue l‘idée que la colonie devait être gouvernée par une femelle, et ce grâce à l‘impulsion d‘observations éclairées, et grâce à la nouvelle capacité de réaliser des plaques de verre plus grandes, indispensables pour réaliser des ruches d‘observation.


Illustration ukrainienne du début du XIXe siècle. Depuis la nuit des temps, l‘humanité a beaucoup et diversement conditionné le cycle vital des abeilles, mais en des milliers et des milliers d‘années, l‘homme n‘a rien su ou presque de la vie cachée et secrète de la ruche !

Le mâle, un maillon indispensable et décisif dans le cycle de vie de la colonie

Le faux-bourdon a, en effet, une importance égale, sinon supérieure, à celle de la composante féminine, que ce soit comme élément de qualité fondamentale (en tant que reproducteur) pour le bien-être et la performance de la ruche, ou sur le plan génétique, ou enfin, de sélection. Par rapport à la plupart des nombreuses espèces vivantes, ce qu’il porte en lui est un élément essentiel de ce superorganisme aux caractéristiques génétiques complexes et particulières. Ainsi, par exemple, les relations entre les différentes sous-familles d‘ouvrières de la colonie sont déterminées par l‘échantillon de sperme mâle avec lequel la reine a fécondé ses ovules. Ce n‘est pas un seul mâle (taureau, étalon ou verrat) mais un nombre allant de 6 à 25 faux-bourdons (15 en moyenne) qui détermine le patrimoine génétique d‘une colonie.

Ces dernières années, on a constaté une grave tendance tant à la perte de longévité et de fertilité des reines avec des remplacements de plus en plus « habituels » et répétés, qu’à la réduction de la fécondité qui se traduit fréquemment par un manque de fitness*1 et de performance de toute la colonie, avec des coûts supplémentaires conséquents et lourds pour l‘éleveur. Et qu‘avons-nous fait, nous les apiculteurs ? On a beau coup parlé et essayé d’appréhender cette question, mais l‘attention s‘est concen trée sur la reine seule, en partant de sa biologie et de son comportement repro ductif, jusqu‘aux pratiques de l‘apicul teur. Nous nous sommes concentrés sur : la qualité ou non de la fécondation en fonction des spermatozoïdes, la température et la nutrition adéquates pour faciliter la migration des spermatozoïdes à travers les oviductes, la taille des nuclei de fécondation, le moment de l‘homéostasie*2 correcte, les dommages éventuels dus aux manipulations, la mise en cage et le transport.


Ces dernières années, on a assisté à l‘intensification d‘une grave tendance à la perte de longévité et de fertilité des reines, aux remplacements de plus en plus « habituels » et répétés, à la réduction de la fertilité, qui se traduisent fréquemment par un manque de forme et de performance de toute la colonie, avec des coûts supplémentaires conséquents et lourds pour l‘agriculteur. Photo de Giacomo Acerbi


Abeille nourrice au travail. Les conditions d‘élevage optimales sont importantes car la qualité du sperme est déterminée et maintenue principalement sous l‘opercule. Le processus de formation des spermatozoïdes commence par exemple au stade larvaire et se termine au stade nymphal.

Et les faux-bourdons, que représentent-ils dans cette récente et dramatique détérioration de la vitalité et de la fécondité des abeilles ?

Des études récentes, confirmées par un large éventail d‘expériences sur le terrain, montrent que la santé des mâles et leur valeur reproductive*3 , la qualité et la vitalité de leurs spermatozoïdes, sont cruciales pour la physiologie, l‘efficacité et la longévité des reines d‘abeilles, avec des conséquences importantes sur la performance globale de toute la colonie. De nombreux facteurs peuvent affecter la qualité de reproduction des bourdons : causes environnementales (nutrition, température, tendances saisonnières), exposition à la contamination, pathologies, génétique de l‘origine, âge, apiculture. À cet égard, les nouveaux apports scientifiques sont considérables et variées, bien mis en évidence dans la revue des connaissances proposée récem ment par Rangel et Fisher (2019). Vous trouverez ci-dessous quelques indications sur l‘éthologie du bourdon, cruciales pour comprendre la qualité de la reproduction de la composante mâle de la ruche.

Plus important que l‘acte... les préliminaires !

Le développement du faux-bourdon, de la ponte à la naissance, dure environ 24 jours. Ce processus peut varier en fonction de l‘haplotype*4 (DeGrandi, Hoffman 1998), de la température (Bienko wsha 2011) et des conditions générales de la colonie (Winston 1987, Collison 2004) telles que la taille, la disponibilité
des ressources alimentaires, etc. La spermatogenèse, le processus de for mation des spermatozoïdes, commence au stade larvaire (Bishop 1920) et se termine au stade nymphal ; la matura tion sexuelle est achevée dans la pre mière semaine suivant la naissance, grâce à la migration des spermatozoïdes dans les vésicules séminales (Snodgrass 1956), avec la formation de deux glandes muqueuses qui protègent les sperma tozoïdes des agents pathogènes et les nourrissent (Woyke 1983, Rhodes 2008). La vitalité et la longévité des sperma tozoïdes sont déterminées par la qualité et la composition des protéines conte nues dans le liquide séminal (Baer 2009, King 2011). Il est intéressant de noter que la composition de ces protéines est même liée à l‘immuno-réaction aux spores de Nosema apis du mâle encore à l’état nymphal (Grassi 2017).

La plupart des défauts de type morphologique (taille, poids, longueur des ailes) et de qualité de la reproduction (nombre, motilité*5 et vitalité des spermatozoïdes), sont déterminés dans sa phase prénatale.


La ruche est un superorganisme aux caractéristiques génétiques complexes, particulières, et clairement « à part » de la plupart des multiples espèces vivantes. Dans laquelle les mâles ont une importance égale, voire supérieure à celle des abeilles femelles, à la fois comme élément de qualité fondamental (en tant que reproducteur) pour le bien-être et la performance de la ruche, et d‘un point de vue génétique, et enfin sélectif - Photo de Giacomo Acerbi

La qualité du bourdon est déterminée et se joue principalement « sous l‘opercule »

Le mâle atteint sa maturité sexuelle vers 6/8 jours (Bishop 1920), mais peut prendre 10/12 jours (Woyke et Ruttner 1958) jusqu‘à un maximum de 16 jours après la naissance (Rhodes 2008). Les premiers jours de vie, les jeunes mâles interagissent avec les abeilles et sont nourris, chauffés et soignés. Ils se nourrissent uniquement de miel ou de nectar, soit par trophallaxie, soit directement en le suçant, mais seulement si les cellules où la réserve est stockée sont désoperculées et à leur portée Ils participent dès leur naissance au contrôle thermique et à la ventilation de la colonie grâce à un appareil musculaire exceptionnel. Les vols d‘orientation du jeune bourdon pour identifier les points de référence et la localisation exacte de la colonie commencent vers le cinquième/huitième jour de sa naissance (Galindo - Cardona 2015). Une fois la position déterminée, son cycle de vie culmine avec des vols vers la zone de rassemblement (drone congregation area « DCA »), où une moyenne de 11 000 mâles affluent à la recherche de jeunes vierges. Il n‘est pas facile d‘identifier une zone de rassemblement : les mâles effectuent de nombreux vols de durée et de fréquence variables, puis dissolvent le rassemblement après quelques minutes seulement (Holm 2010). Il s‘agit d‘une mesure stratégique visant à empê cher les prédateurs tels que les guêpiers, de découvrir où se nourrir, d‘autant plus que le nombre élevé de mâles réduit le risque de prédation des reines vierges (Holm 2010). Le mâle peut éjaculer un volume de liquide séminal allant de 0,91 à 1,7 microlitres (Rousseau 2015) conte nant 3,6 à 12 millions de spermatozoïdes, tous génétiquement identiques (Collins, Pettis 2001).

Contrairement aux croyances et préjugés répandus, il est important de savoir que, même si les mâles peuvent voler à une moyenne de 30 km/h (1 km en deux minutes) et couvrir de longues distances (Holm 2010), ils préfèrent rechercher et mettre en place des zones de rassemblement (DCA) à quelques centaines de mètres de leur ruche/rucher d‘origine, afin de maximiser le temps de séjour et les chances de fécondation (Koeniger 2005) et de maintenir une vigueur et une vitalité adéquates du sperme.


La disponibilité de la nutrition dans les cellules non exploitées peut être importante pour le bien-être et la survie des mâles. Ils se nourrissent uniquement de miel ou de nectar, soit par trophallaxie, soit en le suçant directement, mais seulement si les cellules où est stockée la réserve sont découvertes et à leur portée.

Le mâle migre, en effet, loin de sa ruche d‘origine uniquement en cas de situation d‘urgence (recherche de nourriture et d‘une famille pour le recevoir) souvent déterminées par le stress de sa colonie, mais presque tous les mâles qui parcourent de longues distances sont exposés au stress thermique, à la malnutrition, avec pour conséquence l‘incapacité de rivaliser dans une zone de rassemblement (DCA), où la force physique et la taille sont cruciales pour s‘imposer dans la mêlée (Berg 1997, Tarpy 2019).


Une bonne continuité, qualité et disponibilité de l‘approvisionnement en pollen de la ruche peut influencer les performances des faux-bourdons. La vitalité et la longévité des spermatozoïdes sont déterminées par la qualité et la composition des protéines contenues dans le liquide séminal. Photo de Giacomo Acerbi

Quelques facteurs qui peuvent compromettre la santé reproductive du mâle

Il est complexe d‘essayer d‘énumérer et d‘indiquer par ordre d‘importance et de priorité les causes possibles qui peuvent conduire à la perte de la fécondité du mâle des abeilles. Dans le monde entier, je suppose que le carnage et la fragilité des ruches causés par la propagation presque omniprésente du varroa et des maladies connexes peuvent être un facteur déterminant et prioritaire. Mais j‘ai quelques raisons de supposer que le contexte spécifique de l‘évolution environnementale de notre pays (Italie) a pu mettre en évidence - plus encore que les varroas dans les cellules - tous les impacts environnementaux. Cette hypothèse est basée sur l‘observation de la combinaison et de la conjugaison de multiples facteurs, tels que : la perte progressive et incessante de la disponibilité des ressources alimentaires (par exemple : diminution drastique de l‘exsudation nectarifère du colza ou du tournesol ; diminution des ressources alimentaires en raison de l‘impact des parasites - eucalyptus et châtaignier, etc.), augmentation constante des monocultures combinée à la plus forte progression en Europe de biocides pour la « défense phytosanitaire », avec des conséquences relatives et sournoises (par exemple sur le maïs, la vigne, les noisetiers, les arbres fruitiers, etc.) et enfin - précisément pour ne nous priver de rien - le tout assaisonné de l‘exposition particulière de notre pays aux phénomènes climatiques avec des extrêmes toujours plus fréquents, avec des répercussions relativement graves tant sur les possibilités d‘approvisionnement que sur la thermorégulation et la santé des colo nies d‘abeilles. En outre, même le peuple italien connaît une agravation croissante de la stérilité en matière de reproduction, en particulier masculine, avec une augmentation inquiétante et particulière, scientifiquement imputable surtout à l‘interaction des différents facteurs environnementaux.

Température

Dans des conditions optimales, les faux-bourdons sont soignés et thermorégulés à l‘intérieur de la ruche à une température constante allant de 33 à 35 °C. La qualité de la reproduction des mâles peut être sérieusement compromise même par de petites variations de température, tant pendant leur développement qu‘après leur naissance.

Par exemple, Jaycox (1961) a observé que lorsque des faux-bourdons sont élevés à 31,1 °C leur maturation sexuelle est compromise, et qu‘à 28,33 °C, leur stérilité est totale. On peut observer les mêmes conséquences drastiques pour les excès de température : les faux-bourdons exposés pendant quelques minutes à une température de 40 °C ont un taux de mortalité des spermatozoïdes supérieur à 40 % (Czekonska 2013).

Pendant la nymphose, lorsque les spermatozoïdes sont complètement formés, les faux-bourdons sont extrêmement sensibles aux petites variations de température : à 32 °C, ils ont des testicules plus gros, des vésicules séminales plus déve loppées et des glandes muqueuses plus étendues que lorsqu‘ils sont soignés à une température de 35 °C (Czekonska 2013). Nous pouvons donc, sinon entrevoir, du moins essayer d‘imaginer l‘effet possible des mortalités subites et du dépeuplement des ruches, surtout au printemps, mais aussi avec les augmentations extrêmes des températures estivales. En effet, un changement soudain et un pic de température à l‘extérieur de la ruche peuvent totalement compromettre la qualité des bourdons encore nymphosés : ils vont naître, seront soignés par les abeilles et s‘accoupleront avec les reines mais avec une très faible fécondité et de très mauvais résultats (faible motilité*5 et grande mortalité des spermatozoïdes), ce qui affectera la valeur reproductive*3 et la longévité de la reine et donc les performances de la colonie.

Nutrition

Plusieurs études scientifiques ont confirmé le phénomène auquel nous assistons depuis des années en tant que secteur productif : l‘incidence de la qualité et de la quantité de la disponibilité alimentaire sur la morphologie, la fécondité et la qualité des faux-bourdons. Czekonka (2015) a testé comment une privation forcée de pollen avec des pièges placés à l‘extérieur de la ruche pendant la période larvaire entraîne une diminution de la taille et du poids du mâle, un faible volume de sperme et une difficulté d‘éjaculation chez le mâle adulte. D‘autre part, Rousseau et Giovenazzo (2015) ont constaté qu‘une alimentation complémentaire avec des substituts de pollen et de sirop au printemps influence fortement la qualité reproductive des faux-bourdons : plus grande taille du mâle, meilleure vitalité du sperme, augmentation du nombre de spermatozoïdes.


Au niveau mondial, le carnage des ruches et leur relative fragilité, également du point de vue de la reproduction, sont dus à la propagation quasi omniprésente du varroa et des pathologies qui lui sont associées. Photo de Carlo Gatti

Contamination par les biocides

La bibliographie sur les effets létaux et sublétaux de l‘exposition des abeilles à divers agro-biocides est maintenant remarquable par son ampleur et ses résultats, mais les études scientifiques sur les effets concernant la qualité de reproduction du mâle sont très limitées, voire rares. Les quelques recherches dis
ponibles, qui font la distinction entre les conditions artificielles dans lesquelles les mâles reçoivent des doses progres sives de pesticides et les situations de contamination sur le terrain, montrent de graves effets sur : la morphologie, la vitalité et le taux de fertilité des mâles. La famille des néonicotinoïdes est la plus étudiée - en particulier : imidaclo pride, thiaméthoxam, clothianidine - et a montré des effets létaux sur la capacité de reproduction des bourdons, à la fois si les molécules sont administrées et si elles sont présentes en concentrations infinitésimales dans les matrices (cire, miel, pollen) de la ruche (Di Prisco 2013, Williams 2015, Straub 2016). De plus, une étude de l‘exposition à l‘insecticide Fipronil (Straub 2016) est très intéressante, car elle montre une corrélation claire entre la molécule et une forte augmentation des spores de Nosema ceranae et la gravité de l‘infection.

Cette clé nous incite à réfléchir davantage : très souvent, nous sommes confrontés à l‘influence envahissante d‘une multitude de molécules résiduelles qui, agissant de manière sournoise et synergique entre elles et combinées à d‘autres causes (maladies, pénurie de ressources alimentaires, etc. ...), peuvent provoquer à la fois la mortalité et la sénescence totale*6 des faux-bourdons. Cette influence est moins reconnaissable, mais elle est peut-être encore plus grave.


Un des nombreuses impacts exemplaires du glyphosate/agriculture, défini et vantée par certains avec beaucoup de culot comme « durable ». La réduction de la disponibilité pour l‘approvisionnement peut avoir de graves répercussions sur la santé des colonies d‘abeilles. On peut citer la présence et la synergie de multiples facteurs, tels que : la perte progressive et incessante de la biodiversité végétale ; la diffusion de biocides plus élevés en Europe ; la réduction de la possibilité de zone de butinage à la fois spontané et surtout par la culture de cultivars qui n‘émettent plus de nectars indispensables aux pollinisateurs. Photo de Francesco Panella

Plusieurs publications scientifiques ont montré que même la simple contamination de la cire du corps par différents acaricides (souvent en combinaison) provoque la diminution drastique de la ponte de la reine et réduit fortement son attrait pour les abeilles (Rangel et Tarpy 2016). Les effets sur la physiologie reproductive des faux-bourdons, sur la quantité de leurs spermatozoïdes et sur leur vitalité ont été mis en évidence par la présence, à la fois individuellement et en combinaison, d‘acaricides. Il est en effet plus qu‘inquiétant de constater que la bioaccumulation de plusieurs acaricides en très faibles concentrations dans la cire du cou vain de mâles - d‘amitraz, de fluvalinate et de coumaphos, ainsi que de pesticides tels que le chlorpyrifos et le chlorothalonil - entraîne également une très faible vitalité et une motilité*5 quasi nulle des spermatozoïdes, ainsi qu‘une diminution drastique de leur nombre (Fisher et Rangel 2018). En outre, une quantité élevée d‘amitraz et de ses métabolites a également été trouvée dans la cire de presque toutes les colonies examinées, et de nombreux dommages à la santé des abeilles ont été observés en raison de cette bio-accumulation (Boncristiani 2012), à savoir : une fertilité réduite de la reine et une faible viabilité des spermatozoïdes dans la spermathèque (Rangel et Tarpy 2016). D‘autre part, les acides organiques ne font pas exception : en plus d‘affecter la spermatogenèse des faux-bourdons en termes quantitatifs et qualitatifs, ils ont également un effet sur la physiologie du mâle adulte. L‘exposi
tion directe à l‘acide oxalique et à l‘acide formique (ainsi qu‘au thymol et à l‘eucalyptol) se traduit par des bourdons plus petits, avec une longueur d‘aile réduite et une diminution du nombre de spermatozoïdes (Shoukry 2013).

Pathologies

Une forte infestation de varroas sous l‘opercule entraîne la naissance de faux-bourdons de qualité et de force physique réduites : taille inférieure à la normale (Hrassningg et Moritz 2010), force
conséquent, faible capacité de vol (Slone 2012). Les quelques mâles qui parviennent à se développer et à naître d‘une cellule infestée par 20 acariens peuvent afficher la moitié de leur poids corporel normal (Duay 2003). Mais même une infestation d‘une à six femelles varroa sous opercule, détermine tant dans la phase de développement qu‘à l‘émergence, une réduction considérable du poids et de la taille du mâle (Engels 2001). Il existe une biblio graphie très limitée sur les effets de la charge virale sur la santé reproductive du mâle et sur la transmission verticale des infections à la reine et à la progéniture. Mais des études récentes ont montré la présence du génome viral de cinq virus différents (DWV, ABPV, BQCV, SBV, AmFV) dans le sperme éjaculé par des bourdons apparemment en excellente santé (Titera 2019), avec des preuves d‘infection vénérienne conséquente des reines inséminées avec ce sperme. Mais ce qui est encore plus important et dangereux, c‘est la démonstration de la transmission transovarienne*7 d‘une forte charge virale à partir de spermatozoïdes infectés de faux-bourdons vers des œufs pondus par des reines (Titera 2019). La tendance des colonies issues de ces reines inséminées avec des échantillons de sperme infecté d’une charge virale a également été sur veillée et l‘apparition symptomatique d‘agents pathogènes tels que le couvain sacciforme, la mortalité des nouvelles reines dans leur cellule (cellule noire) et, en général, la perte de fitness*1 et des performances des colonies apparemment asymptomatiques a été observée (Titera 2019).

Age

De nombreuses études ont montré que l‘âge des faux-bourdons peut affecter : la viscosité (Cobey 2007), le volume (Locke, Peng 1993), la mobilité (5 Bulb) et la vitalité du sperme (Locke, Peng 1993). Plus le mâle est âgé, plus le sperme devient foncé et visqueux : les mâles de plus de 21 jours ont une viscosité trop élevée du sperme, ce qui rend difficile pour les reines d‘en expulser l‘excès des oviductes (Czekonska 2013). Locke et Peng (1993) ont également montré comment la motilité*5 des spermatozoïdes diminue d‘environ 80 % chez les bourdons âgés de plus de 20 jours.


Les effets sur la physiologie reproductive des bourdons, sur la quantité de leurs spermatozoïdes et sur leur viabilité ont été mis en évidence par la présence, soit individuellement, soit en combinaison, d‘acaricides. La bioaccumulation de différents acaricides en très faibles concentrations dans la cire de nid d‘abeille mâle - d‘amitraz, de fluvalinate et de coumaphos, ainsi que de pesticides tels que le chlorpyrifos et le chlorothalonil - peut également déterminer une très faible viabilité des spermatozoïdes, ainsi qu‘une diminution drastique du nombre de spermatozoïdes. Photo de Giacomo Acerbi


Fécondation avec de jeunes mâles. L‘âge des bourdons peut influencer la viscosité, le volume, la motilité et la vitalité des spermatozoïdes. Le sperme devient plus sombre et plus visqueux avec l‘âge des faux-bourdons : les mâles de plus de 21 jours ont une viscosité trop élevée du sperme avec pour conséquence la difficulté pour les reines d‘expulser l‘excès des oviducte. Photo de Paola Bidin

Par conséquent, l‘accouplement avec des mâles excessivement « matures » peut entraîner une perte de longévité et de mauvaises performances des reines.

J‘espère qu‘avec ces premiers indices, vous avez été stimulé et sollicité par une nouvelle curiosité, une attention et un intérêt pour « l‘autre moitié du ciel » de la colonie d‘abeilles.

Je reviendrai bientôt, je l‘espère, sur le même sujet pour vous parler de ce que l‘apiculteur, le sélectionneur et reproducteur de reines peuvent essayer de réaliser pour l’amélioration du parc apicole.

Si nous voulons avoir des colonies d‘abeilles saines et productives, des reines vivantes et performantes, nous ne pouvons pas continuer à négliger les forces et la fragilité des faux-bourdons, et donc ne pas investir une partie des nôtres : engagement, effort et travail pour leur santé, leur élevage et leur sélection. Grâce à des techniques adéquates de préparation des colonies utilisées pour les lignées mâles, au maintien de la vitalité et de la fécondité des bourdons, la sélection généalogique peut obtenir des résultats plus qu‘intéressants en termes de fitness*1 des ruches et tenter de mettre en place une amélioration génétique généralisée, rapide et omniprésente en apiculture.


Légendes
1. Fitness : en biologie, il définit le succès de la reproduction d‘un individu, en génétique l‘adéquation d‘un organisme à l‘environnement, sa valeur adaptative.
2. Homéostasie : attitude de tous les êtres vivants visant à maintenir autour d‘un niveau fixe et constant la valeur de certains paramètres particuliers de survie, liés en permanence à des facteurs internes et externes
3. Valeur reproductive : est la valeur d‘un individu calculée sur la valeur moyenne de sa progéniture
4. Haplotype : combinaison de variants alléliques au sein d‘un segment chromosomique
5. Motilité : complexe des fonctions motrices d‘un organisme et de sa capacité à changer de position.
individu accompagné de phénomènes involutifs de nature physiologique et fonctionnelle.
7. Transmission transovarienne : transmission de progéniteurs à la descendance de maladies par leurs organes reproducteurs