FICHE BIOLOGIE : Glandes mandibulaires

Agnès FAYET

Les glandes mandibulaires jouent un rôle capital dans le maintien de l’organisation sociale de la colonie mais sont aussi impliquées dans la nourriture des larves, dans la défense et la reproduction de la colonie ainsi que dans les travaux des bâtisseuses.

Structure des glandes mandibulaires

Ces glandes sont situées de chaque côté de la tête, au-dessus des mandibules. Un court conduit les relie aux mandibules. Ce conduit alimente les mandibules en sécrétion mandibulaire qui passe ensuite dans une rainure jusqu’à un canal plus long équipé d’un système pileux.

Glande mandibulaire en rouge (vue latérale).

Mandibule gauche (côté intérieur) et glande mandibulaire en rouge (d’après Snodgrass)

Castes et glandes mandibulaires

Les glandes mandibulaires diffèrent selon les castes. Elles sont très grandes chez les reines, un peu moins chez les ouvrières et beaucoup plus petite chez les mâles. La nature de la sécrétion glandulaire change en fonction de la caste et de l’âge des abeilles.

La reine
La reine, la seule femelle fertile de la colonie, communique sa présence et manifeste son influence au moyen d’un mélange de substances libérées principalement par les glandes mandibulaires. Ces substances renforcent la cohésion sociale au sein de la ruche en attirant de jeunes ouvrières et en les incitant à lécher et à « antenner » la reine. Elles assurent également le monopole reproducteur de la reine en inhibant le développement des ovaires des ouvrières. Ce sont deux acides, produits par les glandes mandibulaires royales qui remplissent ces fonctions : l’acide 9-céto-2-décénoïque (9ODA) et l’acide 9-hydroxy-(E)-2-décénoïque (9HDA). On peut parler de phéromones de castration chimique. Parmi les autres fonctions de ces acides, citons l’attraction des mâles pour la reproduction, l’attraction des ouvrières pendant l’essaimage, l’inhibition de l’essaimage, la stimulation de la glande de Nasonov chez les ouvrières ainsi que l’induction d’un comportement de butinage. Les quantités produites par les glandes mandibulaires royales diminuent avec l’âge de la reine ce qui explique le comportement de supersédure. Les quantités varient aussi en fonction d’autres paramètres comme le moment de la journée ou de l’année. Le pic de production a lieu pendant l’après-midi en pleine période de fécondation.


La sécrétion de 9HDA est nettement inférieure (estimation à 5 μg par reine). C’est le cocktail des deux acides qui intervient dans les fonctions citées ci-dessus. Il y a également une interaction avec la phéromone d’empreinte émise par les glandes tarsales, en particulier en ce qui concerne l’inhibition de la production de cellules royales.

Les mâles
Les mécanismes permettant aux mâles et aux reines vierges de trouver les aires de rassemblement ne sont toujours pas très bien connus. Une explication faisant intervenir le marquage des aires de rassemblement par des phéromones produites par les glandes mandibulaires des mâles est une théorie aujourd’hui largement répandue. Les glandes mandibulaires des mâles sont complètement développées à partir du septième jour. Après 9 jours, les glandes sont inactives et s’autodétruisent. La sécrétion est stockée à l’intérieur de la structure tubulaire creuse de la glande pour de futures émissions durant les vols de fécondation.

Les ouvrières
Les glandes mandibulaires de l’abeille ouvrière s’étendent jusqu’à la base des antennes. La sécrétion est emmagasinée dans un sac de stockage et libérée par une valve en fonction des besoins.

La sécrétion produite par les glandes mandibulaires est composée d’acide 10-hydroxy-2-décénoïque (10HDA),substance produite par les nourrices pour alimenter les larves. On trouve cet acide gras dans la composition de la gelée royale. Les ouvrières plus âgées produisent de l’acide octanoïque 2-heptanone, une phéromone d’alarme. Le 2-heptatone est une phéromone qui déclenche des réactions agressives à l’entrée de la colonie mais 20 à
70 fois moins fortement que les phéromones d’alarme émises au niveau de l’aiguillon (acétate isoamyle). On suppose qu’elle sert essentiellement à dissuader les pillages et les intrusions dans la ruche.
La sécrétion des glandes mandibulaires entre également en jeu dans le processus de pétrissage et d’amollissement de la cire et de la propolis.

Références

  • Boch, R., Shearer, D. A., & Petrasovits, A. (1970). Efficacies of two alarm substances of the honey bee. Journal of insect physiology, 16(1), 17-24.
  • Butler, C. G.(1966). Mandibular gland pheromone of worker honeybees. Nature, 212(5061), 530-530.
  • H.A.Dade, Anatomy and physiology of the honeybee, International Bee Research Association, 1977.
  • Higo, H. A., Colley, S. J., Winston, M. L., & Slessor, K. N.(1992). Effects of honey bee (Apis mellifera L.) queen mandibular gland pheromone on foraging and brood rearing. The Canadian Entomologist, 124(2), 409-418.
  • Hoover, S. E., Keeling, C. I., Winston, M. L., & Slessor, K. N.(2003). The effect of queen pheromones on worker honey bee ovary development. Naturwissenschaften, 90(10), 477-480.
  • Huang, Z. Y., Plettner, E., & Robinson, G. E.(1998). Effects of social environment and worker mandibular glands on endocrine-mediated behavioral development in honey bees. Journal of Comparative Physiology A : Neuroethology, Sensory, Neural, and Behavioral Physiology, 183(2), 143-152.
  • Huo X., Wu B., Feng M., Han B., Fang Y., Hao Y., Meng L., Wubie A.J., Fan P., Hu H. et al. (2016)
  • Proteomic Analysis Reveals the Molecular Underpinnings of Mandibular Gland Development and Lipid Metabolism in Two Lines of Honeybees (Apis mellifera ligustica). Journal of Proteome Research 15:3342–3357.
  • Lensky, Y., Cassier, P., Notkin, M., Delorme-Joulie, C., & Levinsohn, M. (1985). Pheromonal activity and fine structure of the mandibular glands of honeybee drones (Apis mellifera L.)(Insecta, Hymenoptera, Apidae). Journal of insect physiology, 31(4), 265-276.
  • Lesley Goodman, Form and fonction in the Honey Bee, IBRA, 2003.
  • Mark L.Winston, The Biology of the Honey Bee, First Harvard University Press, 1991.
  • Naumann, K. (1991). Grooming behaviors and the translocation of queen mandibular gland pheromone on worker honey bees (Apis mellifera L). Apidologie, 22(5), 523-531.
  • Naumann, K., Winston, M. L., & Slessor, K. N.(1993). Movement of honey bee (Apis mellifera L.) queen mandibular gland pheromone in populous and unpopulous colonies. Journal of insect behavior, 6(2), 211-223.
  • Naumann, K., Winston, M. L., Slessor, K. N., Prestwich, G. D., & Webster, F. X.(1991).
  • Production and transmission of honey bee queen (Apis mellifera L.) mandibular gland pheromone. Behavioral Ecology and Sociobiology, 29(5), 321-332.
  • Pankiw, T., Winston, M. L., & Robinson, G. E.(1998). Queen mandibular gland pheromone influences worker honey bee (Apis mellifera L.) foraging ontogeny and juvenile hormone titers. Journal of insect physiology, 44(7), 685-692.
  • Plettner, E., Otis, G. W., Wimalaratne, P. D. C., Winston, M. L., Slessor, K. N., Pankiw, T., & Punchihewa, P. W. K.(1997). Species-and caste-determined mandibular gland signals in honeybees (Apis). Journal of Chemical Ecology, 23(2), 363-377.
  • Slessor, K. N., Kaminski, L. A., King, G. G. S., & Winston, M. L. (1990). Semiochemicals of the honeybee queen mandibular glands. Journal of Chemical Ecology, 16(3), 851-860.
  • Snodgrass R.E.(1956) Anatomy of the honey bee. Comstock Publishing Associates, Ithaca.
  • Strauss, K., Scharpenberg, H., Crewe, R. M., Glahn, F., Foth, H., & Moritz, R. F.(2008). The role of the queen mandibular gland pheromone in honeybees (Apis mellifera) : honest signal or suppressive agent ?. Behavioral Ecology and Sociobiology, 62(9), 1523-1531.
  • Vallet A., Cassier P., Lensky Y. (1991) Ontogeny of the fine structure of the mandibular glands of the honeybee (Apis mellifera L.) workers and the pheromonal activity of 2-heptanone. Journal of Insect Physiology 37:789–804.
  • Winston, M. L., Higo, H. A., & Slessor, K. N.(1990). Effect of various dosages of queen mandibular gland pheromone on the inhibition of queen rearing in the honey bee (Hymenoptera : Apidae). Annals of the Entomological Society of America, 83(2), 234-238.
  • Winston, M. L., Higo, H. A., Colley, S. J., Pankiw, T., & Slessor, K. N.(1991). The role of queen mandibular pheromone and colony congestion in honey bee (Apis mellifera L.) reproductive swarming (Hymenoptera : Apidae). Journal of Insect Behavior, 4(5), 649-660.