Préparer l’hivernage en tenant compte du mélézitose

José ARTUS

Le mélézitose est un miellat qui peut être récolté abondamment par les abeilles en fin de saison. C’est un paramètre dont il faut tenir compte pour bien réussir la mise en hivernage de ses colonies. José Artus, apiculteur professionnel en Province de Liège, partage sa méthode basée sur des observations et des expériences au rucher.

Le schéma de travail de la mise en hivernage

La mise en hivernage des colonies commence en été ici, en Ardennes. J’enlève les hausses pour le 15 juillet. Mes colonies sont traitées contre la varroase pour le 21 juillet au plus tard. Dans la foulée immédiate, je nourris massivement, c’est-à-dire que je donne 15 à 20 litres de sirop en un temps restreint (2 à 3 jours), ce qui correspond à 14,400 kg de sucre. Il est en outre possible de donner jusqu’à 2 litres d’eau à la colonie à cette période pour obtenir l’avantage d’un blocage de ponte et l’élimination des œufs et des jeunes larves. Cette technique a pour but de favoriser l’efficacité du traitement contre la varroase grâce à une fenêtre de temps sans couvain. Durant cette même période, entre le 15 juillet de le 5 août, il est capital de surveiller régulièrement la qualité de la reine. N’oublions pas qu’entre le 15 juillet et le 20 août, les nouvelles abeilles sont des abeilles relais qui vont permettre de créer une population d’hiver.

Anticiper et observer

Or, c’est la période clé pendant laquelle le mélézitose peut faire son apparition. Il faut être très vigilant et bien observer le comportement des abeilles. En observant la planche de vol, il est indispensable de définir la nature de la miellée tardive et d’agir en conséquence afin d’éviter le blocage du nid de couvain si le mélézitose se manifeste. Il faut avoir à l’esprit que le mélézitose complique le travail des apiculteurs et met en péril les colonies d’abeilles. Il exige donc de la justesse dans le travail d’anticipation de l’apiculteur. Une miellée tardive use les abeilles prématurément. De plus, le mélézitose, provoque le blocage du nid et un arrêt de la ponte. Il est donc important de rappeler que les colonies doivent être assainies à temps face au varroa et doivent disposer de belles réserves (20 kg le 15 août, date clé pour le mélézitose dans notre région). Une vigilance toute particulière de l’apiculteur est appropriée et vitale pour les colonies.

Reconnaître le mélézitose

Ce qui est très particulier avec le mélézitose, c’est que les abeilles travaillent trop intensivement, même par temps de pluie et avec des températures relativement basses. On ne confondra pas cette miellée avec celle de la balsamine pour laquelle les abeilles travaillent aussi à basse température mais sans aucun blocage de ponte. Dans le cas de la balsamine, les abeilles ont un point coloré, beige, sur le thorax. Dans le cas du mélézitose, elles sont d’un noir brillant. Pour rappel, dans une ruche 10 cadres, 4 à 5 cadres sont nécessaires pour le nid à couvain. Pour distinguer le mélézitose du pollen, il suffit d’éclairer les cellules par l’arrière : quand il y a mélézitose, la lumière traverse les cellules, ce qui n’est pas le cas pour le pollen.

Agir quand la colonie est partiellement bloquée

Deux possibilités sont à envisager lorsque le mélézitose a été observé. Soit la colonie est partiellement bloquée, soit elle l’est complètement. Si la colonie est bloquée partiellement, deux options s’offrent à vous. Vous pouvez déménager les colonies sur sol calcaire. Les épicéas, les mélèzes et les douglas, qui ont produit le miellat de mélézitose cette année, poussent sur sol acide. Il faudra impérativement prévoir un accès à de l’eau à environ 35° : soit un abreuvoir en plein soleil, soit de l’eau dans le nourrisseur. Les abeilles vont alors retrouver les conditions idéales pour créer leur population d’hiver grâce aux soins appropriés à la reine. Le fond des cellules sera libéré grâce à l’apport en eau ce qui permettra la reprise de ponte de la reine qui sera de nouveau bien nourrie. Si le déménagement sur sol calcaire n’est pas possible et que le nid à couvain n’est pas bloqué par du mélézitose operculé, identifiés les cadres concernés et gardez 2 ou 3 d’entre eux parmi les plus beaux. Enlevez 4 cadres sur 10 et placez 2 cires, l’une à droite, l’autre à gauche des 3 cadres de couvain. C’est une règle d’or : pour 4 cadres enlevés, 2 cires sont placées ! Replacez les hausses et mettez de l’eau à disposition des abeilles. L’eau joue un rôle capital. Le 20 septembre, les hausses seront enlevées et les colonies nourries dans la foulée. Il est impératif que les cires que vous avez placées soient construites et bien garnies de nourriture. Dans le cas contraire, il est indispensable de les enlever. J’ai pu constater avec étonnement le fait que toutes les jeunes reines avaient étendu leur territoire de ponte sur les nouvelles cires. Il est indispensable de suivre le schéma proposé pour garantir la survie de la colonie. Sans cela, la colonie sera décimée définitivement au printemps.

Agir quand la colonie est complètement bloquée

Si la colonie est complètement bloquée par du mélézitose operculé, le nid à couvain se trouve totalement réduit à la période où il faut créer la population des abeilles d’hiver. Il faut donc éliminer 100 % de l’habitat de la colonie. Par exemple, une ruchette 6 cadres sera placée sur 3 cadres de cire de haute qualité, c’est-à-dire une cire d’opercule coulée certifiée. Le fait que la cire soit coulée permet aux abeilles d’étirer la feuille et donc de produire très peu de cire pour construire le nouvel habitat. On les nourrit avec un sirop à 72 % de matière sèche riche en fructose auquel on ajoute 10 % d’eau pendant la phase de construction. L’eau permet une élévation beaucoup plus facile de la température. La température idéale pour la construction est de 40°. Lorsque la construction sera faite, il ne sera plus nécessaire d’ajouter l’eau au sirop. Techniquement, la ruchette 6 cadres est donc transférée sur 3 cadres de cire, soit 50 % du nombre initial.

L’habitat sera organisé comme suit :
• 1 partition chaude à droite (partition étanche) ;
• 3 cadres de cire ;
• 1 partition froide ;
• 1 cire de l’autre côté de la partition.


On donnera à la colonie 2 litres à 2,5 litres de sirop par cire, soir 8 à 10 litres. Dans un délais de 8 à 10 jours, la cire à côté de la partition froide est bien couverte d’abeilles, il faudra alors l’introduire dans l’habitat de la colonie. Les abeilles ont besoin de place. C’est le signe que les ouvrières construisent et que la reine pond. Si la cire à côté de la partition froide n’est pas couverte d’abeilles, il faudra la retirer. C’est le moment où la reine va commencer la ponte, idéalement à partir de la droite. L’apiculteur veillera bien aux rentrées de pollen. Plus tard, il faudra ajouter un cadre construit qui sera rempli de nourriture. Le nourrissement final sera complété au fil du temps après la structuration d’un beau nid à couvain. Le fond des ruches sera fermé et les ruchettes placées sur un isolant pour bien fermer le bas. Le principe et le processus à mettre en œuvre est le même pour une ruche 10 ou 12 cadres.
La pratique de la partition froide permet d’utiliser un cadre de cire comme indicateur de développement de la colonie. C’est une philosophie comparable à celle du cadre témoin. La cire de l’autre côté de la partition froide permet à l’apiculteur de mesurer, de contrôler et de réagir de manière appropriée. A aucun moment la colonie n’est bloquée et la reine peut développer sa ponte.