FICHE PEDAGOGIQUE : La communication tactile

Agnès FAYET

Une expression couramment employée pour terminer une conversation humaine prend tout son sens chez les abeilles : « Restons en contact ! ». C’est au sens propre que l’expression peut être adoptée par les abeilles dans ce qui est envisagé comme un véritable langage et un important moyen de communication. Le contact tactile est très utilisé au sein de la colonie et joue un rôle social non négligeable dans plusieurs circonstances que nous détaillons ici.

Une communication au poil !

Comme chacun sait, la cuticule, partie externe du corps de l’abeille, est dure mais pas insensible. Elle est dotée de poils et de soies « mécano-sensibles » présentant différents degrés d’adaptation à la stimulation. Certains poils peuvent être facilement pliés dans n’importe quelle direction et indiquer que l’abeille est touchée dans cette zone. D’autres poils sont fixés asymétriquement dans leurs orbites et ne peuvent être courbés que dans un sens, donnant des informations directionnelles. Grâce à la présence de sensilles campaniformes, récepteurs détectant le stress au niveau de la cuticule, ces poils fournissent une gamme d‘informations similaire à celle des récepteurs de la peau humaine.

Des antennes qui en disent long

Antennes et pattes antérieures sont naturellement utiles aux abeilles pour toucher et évaluer leur environnement. Pensons à la manière dont la reine contrôle la cellule avant de pondre, inspection incluant le diamètre de la cellule pour y déposer un œuf fécondé (ouvrière) ou non fécondé (mâle). Les antennes sont, de la même façon, très utiles dans les échanges entre individus dans la colonie dans le cadre de l’épouillage ou du recrutement pour le butinage. Elles sont impliquées dans les trois modes de transmission d’informations dans la ruche : par l’échange de nourriture (trophallaxie), par la transmission volatile (diffusion de phéromones) et par contact antennaire direct. Les antennes disposent en effet de récepteurs olfactifs spécialisés.

Les échanges avec la reine

La reine distribue la phéromone royale dans la colonie via le toilettage dont elle fait l’objet. Le cercle d’abeilles qui entoure la reine (sa cour) la touche et la palpe avec la langue, la bouche, les membres antérieurs et les antennes. Ce faisant, les ouvrières s’imprègnent de la phéromone royale. Par la suite, en nettoyant leurs antennes, leurs pièces buccales et leurs pattes antérieures, elles répandent la phéromone royale dans la colonie, comme des messagères, pendant les
30 minutes qui suivent leur activité de cour, en établissant des contacts réciproques entre leurs antennes et celles des autres ouvrières rencontrées. Elles entrent en contact antennaire avec environ 56 autres ouvrières alors qu’elles n’échangent de la nourriture que deux fois pendant le laps de temps de 30 minutes. Pendant ce temps, d’autres ouvrières les remplacent autour de la reine, répétant le processus. Les ouvrières entre 3 et 9 jours ont une certaine prédilection pour cette activité de cour. On les nomme les « abeilles messagères ». On suppose que les phéromones royales agissent sur le système hormonal de l’ouvrière (castration chimique) en subissant une translocation interne depuis la surface du corps de l’abeille.

La danse frétillante

La butineuse de retour dans la ruche va recruter d’autres butineuses en donnant des informations sur une source de nourriture (nectar ou pollen) à travers la danse frétillante en 8. On remarque alors que les ouvrières sœurs touchent intensément la danseuse avec leurs antennes, principalement au niveau de l’abdomen de la danseuse, et reçoivent des messages à la fois mécaniques et chimiques. Chercher l’extrémité de l‘abdomen de la danseuse permettrait aux suiveuses de s’aligner parallèlement à la danseuse pour mieux identifier l’angle directionnel. Le toucher antennaire est déterminant dans ce contexte pour scanner un objet dans l’espace, se le « représenter » et en communiquer la teneur.

Trophallaxie

Des contacts antennaires précèdent les échanges de nourriture particuliers que l’on appelle trophallaxie. La trophallaxie est en quelque sorte une régurgitation de la nourriture impliquée dans les liens sociaux au sein de la colonie. Ce transfert ne concerne pas exclusivement les aliments mais permet également de communiquer des informations sur la source de nourriture partagée. On sait encore peu de choses sur les informations qui sont échangées dans ce contexte. Il s’agit d’informations phéromonales. Les antennes des abeilles qui récoltent le nectar vont venir se placer entre les mandibules de la butineuse. La butineuse répond à la demande avec des mouvements d’antennes avant de régurgiter le nectar dans la bouche de l’ouvrière en demande. L’opération se termine par plusieurs mouvements d’antennes. La trophallaxie est en quelque sorte une reconnaissance de partenaire couplé à un échange d’informations qui permettrait d’évaluer les réserves de nourriture et les besoins de la colonie.