Observations concernant Vespa velutina

Gilles Lanio

L’observation sur le terrain du frelon asiatique peut nous apporter quelques renseignements sur son mode de vie, sa façon de se déplacer, de nicher, de s’alimenter.

Déplacement

Le Frelon asiatique est un insecte diurne, il ne se déplace que le jour. Par contre le frelon européen lui, peut se déplacer de nuit. Il n’est pas rare l’été et en automne de voir des frelons européens venir tourner autour d’une lumière, sur une vitre comme le font les papillons de nuit. Dans ce cas le nid du frelon euro péen est assez proche, jamais l’asiatique ne se comporte de la sorte. Ce détail permet rapidement d’identifier le visi teur au-delà des différences morphologiques et de la couleur.

Le vol du frelon asiatique chassant devant une ruche est très caractéristique, il est souvent en position stationnaire à proximité de la planche d’envol de la ruche et est capable de faire très rapidement une accélération brutale comportant des acrobaties aériennes pour capturer une abeille.

Le vol du retour du frelon au nid est souvent en deux temps. Dès lors qu’il a capturé une proie, en général il se pose à proximité, le plus souvent sur une branche d’arbre. Il découpe sa proie pour garder seulement la masse musculaire, pour les abeilles c’est le thorax. Une fois ce travail réalisé le frelon se décroche de son support, le plus souvent se laisse tomber et dans sa chute avant de toucher le sol il accélère, prend son envol pour rentrer au nid. Ce décrochage rend souvent difficile le suivi à l’œil du frelon pour permettre de localiser vers où se situe le nid.

Une fois le chemin du retour pris par le frelon asiatique, le suivi à l’œil nu est plus facile lorsqu’il y a du vent.

Sans vent le frelon prend de la hauteur et disparait, tout en indiquant géographiquement vers où se trouve le nid. En cas de vent contraire le frelon ne prend pas de la hauteur, il vole en cherchant à se protéger et reste visible à l’œil nu pour une personne avertie. Dans une région composée de haies, il vole en dessous des cimes des arbres, longe les haies et au dernier moment prend de la hauteur pour rejoindre son nid. Nos abeilles ont un peu le même comportement, elles s’économisent. A l’approche du nid, un bon observateur remarquera une forte densité de frelons volant, c’est la même chose à l’approche d’un aéroport, il y a plus d’avions.

Le vol du frelon asiatique en chasse se remarque facilement, il vole assez lentement, à environ un mètre du sol tout en zigzagant, il n’hésite pas à pénétrer dans les ronciers tout en adaptant sa vitesse, il en fait de même dans le feuillage des arbres.

Lors de la construction du nid la fondatrice a plusieurs points d’approvisionnement en cellulose, il en sera de même plus tard pour les ouvrières, cela se remarque à la différence de couleur constatée sur le nid. A la suite d’une période de mauvais temps, de la pluie entre autre, les ouvrières de frelons interviennent en nombre sur l’enveloppe extérieure du nid. Elles semblent refaire l’étanchéité. Elles avancent lentement à plusieurs, côte à côte avec leur langue sortie et s’en servent comme d’un pinceau pour étendre un produit qui brille un court instant au soleil. Elles battent des ailes pour ventiler et le produit devient invisible.


Alimentation

La nourriture principale du frelon asiatique adulte est à base de glucide, c’est pourquoi il n’est pas rare en début de saison de voir des fondatrices s’introduire discrètement dans les ruches. Elles choisissent une ruche peu active, avec une entrée leur permettant de passer. En général elles s’introduisent du coté des cadres de rives. Elles restent quelques minutes et repartent aussi discrètement qu’elles sont venues. Cela peut se remarquer à la suite d’une montée brutale de la température fin février, ce phénomène disparaîtra dès le retour de températures plus fraîches pour réapparaître par la suite au moment où la température s’élèvera pour de bon.

Une ruche morte pendant l’hiver et mal fermée attire au début du printemps une grande quantité de fondatrices qui viennent piller le miel restant. Dans ce cas il est bon de fermer la ruche et de disposer un piège juste au dessus de l’entrée de celle-ci, une grande quantité de fondatrices en très peu de temps se feront piéger, bien entendu si la météo est favorable.

Un arbuste au printemps attire énormément de fondatrices de frelons asiatiques, il s’agit du cotoneaster horizontalis. Les petites fleurs roses de cet arbuste attirent une grande quantité d’insectes butineurs. En y plaçant un piège avec du nectar de banane lorsque la température est relativement élevée, plus elle est haute mieux c’est, permet de capturer jusqu’à plusieurs dizaines de fondatrices en une journée.

Au moment de la floraison du lierre, le nombre d’ouvrières de frelons en chasse sur celui ci est bien souvent impression nant. Elles capturent une grande quantité d’insectes, qui à cette période de l’année sont pour un grand nombre de futurs reproducteurs qui font des provisions avant d’entrer en hibernation.

Piégeage des fondatrices au printemps

Le frelon asiatique, grand prédateur d’insectes est un grand consommateur d’abeilles, les apiculteurs le savent bien. Suivant les années, suivant les régions, les lieux, sa présence est plus ou moins forte. La réalité est qu’au printemps sa présence est très discrète, et que l’été venu c’est l’affolement général tellement ils sont nombreux.

Nous devons surtout tenir compte de ce que l’on sait, nous travaillons sur du vivant et il y a de nombreux para mètres que nous ne maîtrisons pas. Un apiculteur ne peut pas dire l’année n-1 si en mars prochain ses colonies auront tant de cadres de couvains, si ses jeunes reines seront fécondées en temps et en heure… L’apiculteur doit suivre ses colonies, faire certaines intervention pour mener son cheptel pour espérer atteindre les objectifs qu’il s’est fixé, ou du moins qu’il souhaite.

C’est un peu la même chose pour les frelons, sauf que pas grand monde ne s’occupe d’eux et ils se développent. Il est clair qu’un nombre important de fon datrices passent l’hiver dans des abris et se réveillent une fois que la température devient favorable pour elles. Le parallèle avec l’apiculture trouve là encore toute sa place, on pourrait le faire avec de nombreux autres animaux. La température est un élément très important, un apiculteur sait pertinemment bien que les colonies d’abeilles se développent plus ou moins précocement suivant les régions, suivant le lieu, parfois à quelques kilomètres l’un de l’autre deux ruchers ont souvent un décalage dans leur croissance, il en de même pour les miellées… et cette différence dans le temps est avant tout due à la température. Un apiculteur un peu chevronné sait très vite prévoir la miellée dans sa région, dans un secteur déterminé il peut dire suivant l’orientation du vent, l’humidité, la température, si le nectar va être au rendez-vous.

Il en est de même concernant le développement du frelon asiatique sur le territoire national, celui-ci ne se fait pas de manière uniforme. Une fois ce point accepté, alors que faire ? La réponse est : surtout pas un calendrier national de lutte, de piégeage, ce serait une erreur monumentale, malheureusement c’est un peu ce que certains attendent. Dans un plan de lutte il faut tenir compte du coût et des résultats au final. Baser uniquement la lutte par la destruction des nids est une grosse erreur. Le coût finit souvent par être élevé et dissuasif au regard du nombre de nids trouvés. La destruction n’est pas toujours possible pour de multiples raisons, de plus l’opération doit être menée tous les ans du fait de la réinfestation. Les nids étant bien souvent trouvés à la chute des feuilles dans les arbres, les frelons ont eu alors le temps, vu le développement exponentiel d’une colonie, de faire pen dant plusieurs mois d’énormes dégâts et pire, d’avoir eu le temps de libérer des centaines de jeunes reines. Les jeunes reines parties des nids coloniseront à leur tour dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres tout un territoire. Le piégeage des fondatrices doit être l’axe majeur pour limiter sérieusement la présence du frelon asiatique. Suivant les régions, suivant les lieux en raison de la température, les futures fondatrices se réveillent, elles ont passé une période plus ou moins longue en hibernation. En début de saison nous nous trouvons en présence de jeunes reines uniquement, elles sont très discrètes. Leur alimen tation est essentiellement à base de glucides. Pour celui qui a l’œil averti il peut donc en apercevoir sur les fleurs pompant du nectar, autour des ruches bien entendu où elles n’hésitent pas à s’introduire pour prélever du miel sur les cadres de rives… Les jeunes reines ou fondatrices ne posent pas de problèmes majeurs aux colonies d’abeilles, sauf qu’elles sont le début d’un fléau qui quelques mois plus tard fera de gros dégâts.

Le piégeage de début de saison, appelé piégeage de printemps doit se mettre en place dès lors que les fondatrices vont ou commencent à faire le nid primaire. Dans chaque région cette date est connue à une deux semaines près bien souvent par les apiculteurs et les désinsectiseurs, qui depuis de nombreuses années lutte contre ce prédateur fort nuisible. Cette date bien entendu sera bien plus tôt dans la région sud qu’elle le sera dans le nord ou l’ouest de la France. Pour augmenter l’efficacité du piégeage et limiter au maximum les captures d’insectes non désirés, chaque année il convient d’attendre que la température soit en adéquation avec la circulation maximale des fondatrices.

Exemple : Prenons une région où depuis plusieurs années il est constaté que les captures commencent à être significatives vers le début avril et qu’il n’est pas rare de trouver les premiers nids primaires. On peut donc à l’avance prévoir une campagne de piégeage qui devrait commencer vers le premier avril, sauf que le paramètre température ne peut être déterminé plusieurs semaines à l’avance. Le moment adéquat pour commencer à piéger est dans ce cas le moment où la température va augmenter pour atteindre 15° et plus.

L’idéal est à la suite de plusieurs jours de températures plutôt fraîches et surtout d’une période pluvieuse, lorsqu’enfin l’anti cyclone gonfle et s’installe, apportant soleil et chaleur. Mettre son piège plus tôt en se disant le beau temps arrivera bien un jour est contre productif. Dans ce cas le nombre de capture de frelon est souvent nul ou très faible, l’appât se dégrade, perd de son attractivité favorisant les captures d’insectes non désirés. Cela contribue aussi à faire dire à certains en début de saison, cette année il n’y a pas de frelons, c’est malheureusement très fréquent. La période de piégeage dès lors qu’elle est débutée au bon moment ne devrait pas dépasser six semaines. La fondatrice, une fois qu’elle a pondu, devra patienter environ un mois, de vingt huit à trente jours suivant la température pour voir les premiers frelons émerger. Avant et pendant toute cette période, la fondatrice est vulnérable, elle ne peut compter que sur elle pour mener à biens les différentes tâches : s’alimenter, construire le nid et s’occuper des larves. Quelques jours après la naissance des premiers frelons elle ne quittera plus le nid et ce sont les jeunes ouvrières qui assumeront l’approvisionnement du nid et son agrandissement. Il est donc important chaque année de bien cerner la meilleure date pour le début du piégeage. Pendant cette période, il faut aussi suivre de près les captures, entretenir le ou les pièges. Ceux-ci doivent être placés dans un endroit où tout naturellement les fondatrices sont amenées à venir s’alimenter. Ces lieux sont principalement là où elles peuvent trouver de la nourriture pour elles et leurs larves. Les ruchers sont des lieux très visités ainsi que les arbres à fleurs, elles y trouvent des glucides (miel et nectar) et des protéines pour leurs larves en capturant des insectes.

Pendant les périodes fraîches la fondatrice limite ses sorties, celles ci sont de courtes durées, tout laisse à penser que le but est d’éviter le refroidissement des œufs et des larves. Par contre si la température est élevée, vingt degrés et plus, la fondatrice fait de très nombreuses sorties et reste peu au nid, s’exposant davantage au piégeage si celui-ci est mis en œuvre dans le secteur.

Pour piéger le plus efficacement il faut comprendre comment les frelons se répartissent, s’installent sur un territoire donné. Les fondatrices recherchent des lieux propices à la construction du nid primaire et aussi des ressources alimentaires pour elles et leurs larves dans un rayon limité. Elles s’installent principalement là où l’homme s’établit. En effet elles y trouveront un lieu pour faire le nid primaire qui doit être à l’abri des intempéries (volet roulant, abri de jardin, nichoir à oiseaux…) et des fleurs à proximité, ou éventuellement des ruches. De ce fait le frelon asiatique est plus souvent citadin. En ville dans un rayon de quelques centaines de mètres les fondatrices trouvent tout ce dont elles ont besoins. C’est pourquoi en ville il faut un maillage plus resserré au niveau du piégeage pour éviter des zones où les fondatrices peuvent s’installer en toute quiétude. Il faut aussi savoir qu’un nid primaire qui va à son terme donnera un nid secondaire construit dans le voisinage par les ouvrières. Celui-ci peut se trouver dans une haie, à hauteur d’homme, ou très haut dans un arbre.

La particularité des frelons asiatiques est qu’ils font très souvent deux nids. Un nid primaire fait uniquement au début par la fondatrice et à l’abri, un nid secondaire fait par les ouvrières, qui résistera aux intempéries. Celui ci se trouvera toujours dans un rayon très proche du nid primaire. La proximité des nids provient du fait que vers la fin du printemps lorsque le nid primaire atteint la taille d’un gros melon, une forme d’essaimage se met en place. Une partie des ouvrières et la reine quittent le nid pour s’installer à proximité et construisent un nid qui pourra devenir très gros et contenir des milliers de frelons.

La faible distance entre les deux nids provient du fait, que lorsque la reine quitte le premier nid, elle laisse derrière elle des œufs et des larves qui demandent encore des soins. Une partie des ouvrières continueront à s’occuper du premier nid, au fil du temps les frelons devenant adultes, rejoindront le nid secondaire. C’est une des raisons pour laquelle le frelon asiatique est plutôt citadin, il y trouve le gîte et le couvert, du moins au début de son développement. Plus tard dans la saison, les ouvrières n’hésiteront pas à faire des kilomètres pour trouver des protéines pour alimenter les milliers de larves dans le nid et ce jusqu’à l’arrivée des premiers froids qui sonneront la mort du nid, par contre entre temps des centaines de jeunes reines seront nées, s’accoupleront et hiberneront en attendant les premières chaleurs, et le cycle recommencera. Il faut savoir qu’un nid secondaire n’est jamais réutilisé, mais signifie que le secteur est propice à l’installation.

Concernant les pièges, il en existe de différents modèles, le mieux est de trouver un bon rapport entre attractivité et sélectivité. La mauvaise sélectivité des pièges provient très souvent du lieu qui n’est pas approprié, de l’appât et surtout de la date et des conditions météorologiques non propices.

Pour être le plus efficace dans la lutte, il faut trouver un référent qui maîtrise bien le sujet, une équipe de piégeurs qui suit les consignes du référent, et tenir régulièrement à jour un registre des captures.

Reproduction de ces textes avec l’aimable autorisation d’Abeilles & Fleurs et de l’UNAF