Pratiquez-vous une apiculture durable ?

Etienne BRUNEAU

Aujourd’hui, on parle de plus en plus de développement durable et c’est bien normal car un nombre croissant de personnes ont conscience qu’on ne peut plus continuer à produire comme on l’a fait pendant ces dernières années. C’est indispensable si l’on veut assurer un futur aux générations suivantes. En tant qu’apiculteur, on se dit protecteur de la nature et on met loin en avant l’effet bénéfique de nos abeilles avec leur impact très important en tant que pollinisateurs. Mais cela nous laisse-t-il le droit d’ignorer l’impact de la conduite de nos ruches sur l’environnement et sur la société ? Nous proposons ici une enquête pour vous aider à mieux situer le travail apicole dans le cadre du développement durable.

L’objectif

Il n’y a pas une apiculture mais bien des apicultures surtout si l’on se positionne dans un environnement mondial. Pourtant aucune étude globale visant à caractériser et à cartographier les différents types d’apiculture ne vient étayer ce constat. Le marché des produits de la ruche est cependant bien mondial lorsqu’on voit l’importance des échanges internationaux que ce soit de miel, de gelée royale, de cire ou de propolis. L’abeille, elle, où que l’on soit, nous apporte toujours les produits de la ruche et la pollinisation dont nous avons tellement besoin.
On peut dresser un tableau allant des techniques les moins sophistiquées jusqu’au plus sophistiquées. On peut illustrer cela en voyant d’un côté les cueilleurs de miel affrontant Apis dorsata sur les falaises au Népal dans l’Himalaya et de l’autre les images choquantes présentant une apiculture américaine ultra intensive dans le film « More than honey ». Entre ces deux extrêmes se trouve une série de pratiques apicoles différentes bien souvent adaptées à leur environnement local. À ce jour, il n’existe aucune étude qui cartographie ces différentes approches apicoles ni aucune étude globale cherchant à situer ces différentes apicultures par rapport à leur durabilité. Le questionnaire qui vous est présenté ici constitue une première approche dans ce sens et a donc pour objectif de pouvoir non seulement cartographier les différents types de modèles apicoles sur base de critères très simples mais également d’évaluer leur pérennité.

Les questions

Les questions balayent une série de pratiques apicoles communes à tous les modèles apicoles. Nous n’entrerons donc pas dans les détails car ce n’est pas l’objectif ici et cela pourrait faire l’objet de travaux complémentaires.
Un premier volet de questions aborde les éléments liés aux caractéristiques générales du (des) rucher(s) : les ruches, le type de cadres, les cadres et rayons utilisés, l’origine des abeilles, la densité et l’emplacement des ruches et les transhumances éventuelles.
Chaque apiculteur peut remplir aisément chacune de ces questions à choix multiples. En cas de pratiques mutiples il est conseillé de ne renseigner que les pratiques les plus fréquentes au rucher.
Un second volet porte sur la conduite apicole : nombre de visites avec intervention dans la ruche en saison, lutte contre l‘essaimage, égalisation des colonies, constitution de nouvelles colonies, gestion des reines, la récolte, l’alimentation, la pratique sanitaire et le type de traitement utilisé.
Un troisième volet aborde des points plus spécifiques qui ne sont pratiqués que par certains apiculteurs plus spécialisés : élevage, achat de reines, sélection.
Les apiculteurs non concernés signaleront simplement qu’ils ne réalisent pas ces opérations.
La réponse à ces 18 questions permettra de dresser un profil par apiculteur et de voir si l’on peut différencier certains profils types par région ou pays. Ce préalable permettra d’envisager d’aider les apiculteurs qui le souhaitent à évoluer vers une apiculture plus durable au travers de guides.


Les critères de développement durable

Dans le récent numéro d’Abeilles & Cie 195, la fiche technique porte sur une introduction à l’apiculture durable et présente les différents critères de base qui caractérisent la durabilité. Dans le cadre de cette enquête nous avons sélectionné dans chacun des trois domaines importants que sont la viabilité économique, l’impact sociétal ainsi qu’environnemental, deux critères spécifiques. En voici une description qui permet de mieux se faire une idée des critères de quantification étudiés.

VOLET ECONOMIQUE
Investissements : l’apiculture constitue un des secteurs agricoles où les investissements peuvent être les plus bas. C’est le cas lorsqu’on travaille avec des de matériaux locaux et qu’on laisse à l’abeille la mission de construire ce qu’elle peut (rayons…). On peut également investir de grandes sommes dans les moyens de transport, dans les halls de stockage et dans les mielleries (ce dernier point relatif au travail de conditionnement des produits ne sera pas abordé).

Rentabilité : ce paramètre prend en compte l’investissement humain nécessaire (temps de travail) et l’impact sur la productivité de l’exploitation. Si l’on investit très peu et que les rendements sont faibles, on aura un résultat similaire à un investissement important suivi d’une bonne productivité. Les scores les plus élevés seront liés à un travail rapide menant à de bons rendements.

VOLET SOCIAL
Qualité du travail : c’est l’impact direct du type de travail sur l’apiculteur qui est visé ici. On va donc intégrer positivement le caractère intéressant et motivant du travail à réaliser et négativement le côté répétitif, la vitesse de travail nécessitée ainsi que sa lourdeur ou sa pénibilité liée par exemple aux piqûres. Un travail lourd et répétitif à réaliser souvent de nuit comme la transhumance sur de longues distances sera pénalisé par rapport à un travail de jour.

Apport sociétal : seront repris ici quatre éléments : l’impact du point étudié sur la qualité de l’apport en produits de la ruche et/ou sur la possibilité de maintenir ou de développer un emploi correctement rémunéré surtout s’il est peu ou moins qualifié et/ou sur le caractère patrimonial et culturel de l’activité et/ou aux risques pour le voisinage liés à une trop forte densité de ruches y compris le risque d’essaimage multiple.

VOLET ENVIRONNEMENTAL
Bien-être animal : sous ce terme, nous reprenons ici ce en quoi l’élément analysé répond aux besoins naturels des abeilles. Cet aspect souvent négligé dans le passé devient primordial aujourd’hui bien qu’il soit pourtant moins connu des apiculteurs. Il apporte en grande partie la résilience aux colonies et contribue au maintien de la biodiversité. Plus une technique s’écartera de ces besoins naturels et plus elle sera cotée négativement.

Coût environnemental : si l’apiculture est un des secteurs agricoles qui a l’impact environnemental le plus faible ou même positif vu l’absence de déchets et l’apport lié à la pollinisation par les abeilles, on peut cependant reprendre ici certaines facettes comme les déplacements nécessaires, l’impact des matériaux utilisés que ce soit lors de leur production ou de leur recyclage. On peut considérer qu’où que soient les abeilles, elles pratiquent leur rôle de pollinisatrices. De grandes densités de colonies vont cependant générer des phénomènes de compétition non souhaitables pour les espèces indigènes et seront donc décotées. Les possibilités de reconstitution du cheptel peuvent être considérées comme point positif.

Présentation des résultats

Les cotations se font principalement en comparaison des différences existantes entre les différentes formules proposées pour une même question. Chaque paramètre sera évalué et quantifié sur l’échelle suivante :
1 plus mauvais ;
2 mauvais ;
3 normal ;
4 bon ;
5 meilleur.

Si la plupart des paramètres iront en croissant (plus haut = meilleurs scores), les investissements et les coûts environnementaux seront décroissants (plus haut = moins bons scores). De ce fait, plus la moyenne sur l’ensemble des critères sera élevée et plus l’apiculture sera durable. Lorsque l’activité ne pourra pas être reliée à un critère de jugement, une cote moyenne (3) sera attribuée. Voici une illustration graphique pour deux questions de ce questionnaire.



Le questionnaire

Le questionnaire se trouve sur un document Google form à l’adresse ci-dessous et peut donc être rempli par tout un chacun. Il est conçu sous forme d’un quiz, c’est à dire qu’en fin de questionnaire, l’apiculteur recevra une cotation qui lui permettra de situer si son mode d’apiculture s’approche d’un modèle durable ou pas. Il verra le nombre de fois où sa pratique correspondra à la réponse la plus durable. En travaillant sur les deux exemples cités en introduction (Népal et USA), on obtient les chiffres de 5/18 et de 1/18.
Une présentation de l’ensemble des résultats obtenus en Belgique et en France mais également dans d’autres pays sera réalisée avec plus de nuances dans le cadre de notre prochaine journée Nord – Sud organisée en collaboration avec l’asbl Miel Maya Honig qui portera cette année sur l’apiculture durable. Celle-ci se tiendra le 29 novembre.
N’hésitez pas à remplir ce questionnaire ! Cela ne prendra que quelques minutes mais cela vous donnera des informations précieuses….. Merci !

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